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  • La croisade de Georges Minois

    Georges Minois est un historien français né en 1946 se spécialisant notamment dans l'histoire des mentalités (l'athéisme, le suicide, l'avenir, la vieillesse, le rire etc.) A ce titre il publia un ouvrage, "l'Eglise et la guerre", se proposant d'étudier les relations entre la doctrine de l'Eglise et le phénomène politique "guerre".

     

    Voici un ouvrage d'une grande érudition, qui suit une articulation thésique bien arrêtée où la guerre juste ne serait qu'un avatar à peine dévoyé du concept de guerre sainte, survivotant jusqu'à présent sous formes des guerres de l'Ancien Régime, puis des conflits nationalistes du XIX°-XX°.

     

    Au delà des mérites factuels de l'ouvrage, nous discernons plusieurs faiblesses graves qui amoindrissent la thèse de l'auteur.

     

    En premier lieu, la thèse principale apparaît plus comme une construction à priori qu'une conséquence découlant d'une démonstration formelle. On pourrait parler d'une thèse paradigmatique, où tous les évènements et documents sont interprétés selon la grille de cette thèse. Cette "impression" naît en bonne part du martèlement de celle-ci (la notion de guerre juste est inopérante et perverse), sans cesse ressassée au fil des pages, comme s'il fallait qu'elle entrât de force dans le crâne du lecteur.

     

    Cette impression est causée également par une véritable avalanche d'érudition, de sources et documents historiques lâchés en rafales continues sur le lecteur pris pour un juré d'assise. Il en résulte une foultitude de noms appelés à la barre, certains de parfaits inconnus, qui font tous l'économie de la critique textuelle : que représente ces noms ? quelle fut leur influence ? Qui leurs écrits ont-ils atteint ? Tous les témoignages sont mis sur le même plan - sans même mentionner Shakespeare, déterré à la barre avec sa pièce de théâtre Henry V pour témoigner de la mentalité du Moyen-Âge. Technique déconseillée à tout étudiant en histoire.

     

    Enfin il est immédiatement évident que la démonstration manque de définitions : qu'appelle-ton l'Eglise ? qui peut parler en son nom ? S'agit-il uniquement de l'Eglise catholique et de sa doctrine, ou d'autre chose ? Dans le premier cas, pourquoi citer des auteurs anglicans, presbytes ou luthériens à l'appui de la thèse, qui n'ont rien à voir avec l'Eglise catholique ? De même il manque clairement une définition de l'expression "guerre sainte". Quelle est sa généalogie ? Cette question est d'autant plus pertinente qure l'expression est notoirement absente dans le magistère de l'Eglise ou son droit canonique - contrairement au concept de guerre juste, concept païen et non théologique par ailleurs. Bref, une chose un écrit théologique, même de saint Augustin ou saint Thomas, une autre un concept passé dans le corpus officiel de la doctrine catholique.

     

    Enfin le défaut le plus flagrant, assez typique des historiens de sa génération, est le recours incessant à la morale humanistoïde du XX° pour juger des faits de l'histoire. Il n'y a pas plus exaspérant que cette manipulation mentale de petit juge à l'indignation vaporeuse drappé dans sa vertu de cabinet. Il est agrégé d'histoire, non de morale, et il fait la leçon comme au tribunal du peuple.

     

    En résumé le livre fonctionne sur le mode d'une pétition de principe : la guerre, c'est mal, très mal. C'est même LE mal absolu : tout sauf la guerre, plutôt crever, et laisser crever les autres.Combien même le XX° siècle nous a appris que refuser ce mal à tout prix nous prépare au pire . "Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre."