Question : est-il seulement possible à l'homme de créer ? Ou plutôt : l'homme peut-il véritablement "créer" autre chose qu'un mensonge ?
Comment du reste l'homme peut-il échapper à la réalité ? Soit il énonce fidèlement, soit il ment (et il ment toujours par rapport à une réalité). Il dit ce qui est, ou bien il dit un néant. S'il dit : ce néant, voilà la vérité, alors il créé une distorsion avec le réel, et le salaire de cette distorsion, en bout de logique, c'est la mort.
Il est intéressant ici de s'attarder sur l'un des domaines privilégiés de la soi-disant "création", l'art. En peinture, le paradigme fut longtemps d'énoncer, ce qui impliquait nécessairement le formalisme, puisqu'ici-bas la l'être s'exerce dans une forme. Culte de la forme : on n'échappe pas à la forme, et à l'énonciation de celle-ci. Ce qui est prend obligatoirement une forme, le génie est d'en rendre compte par une sorte de fidélité, de confiance, de "fides".
De nos jours on trouve la forme insupportable, obstacle à la créativité de l'homme (comme si l'homme pouvait créer quoi que ce soit.) La forme est donc reniée au profit de l'informe. D'une décomposition, pour ne pas dire d'une pourriture, il est demandé au spectateur, au mieux, de reconstruire une forme et de faire le travail de "l'artiste". Voici : l'art dit abstrait n'est que culte rendu à l'informe, par orgueil de pseudo-créateur ou hypocrisie de ratés. Ceux-là n'ont aucun talent ni génie à revendre, sauf le bagout des marabouts : ils habillent la nudité de leur génie d'un verbiage pédant et amphigourique. L'on se paye de mots, et de la tête de quelques pigeons roucoulants.
Mais que l'on considère : l'informe n'est-il pas une propension au néant ? La pourriture et la corruption, n'est-ce pas une privation de forme, et les premiers symptômes du néant ? L'art abstrait est un art de néant.
Cela reste néanmoins un art, en négatif. On dira ainsi de l'art contemporain qu'il n'est pas "art", l'usurpateur, mais simple bouffonnerie. Il est un divertissement, à l'égal de Mickey.
Siècle qui inventa la prime à la médiocrité, par haine du beau et du génie.
"Dieu, créateur de toute chose, écrivait saint Augustin, tout puissant à remettre en forme le difforme, notre ouvrage." - Confessions l. IX