« Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d'un coup le ciel devint rouge sang — je m'arrêtai, fatigué, et m'appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et la ville — mes amis continuèrent, et j'y restai, tremblant d'anxiété — je sentais un cri infini qui se passait à travers l'univers. »
Munch
Le cri est celui de l'homme informe et déconstruit, dynamité par une anthropologie contre-nature : celle des prédicateurs du néant. Notre époque n'a pourtant d'oreilles que pour cette lignée de jacteurs insensés : ils sévissent depuis plus d'un siècle, ont depuis apporté la preuve scientifique de l'inanité de leurs thèses chaque fois qu'ils crurent bon les mettre en pratique, ont plongé l'humanité avec persévérance dans les ténèbres les plus profondes, mais ils sont toujours applaudis par une sorte de conspiration irrationnelle.
Voici donc le cri du dépouillé : il n'a plus rien et il n'est plus rien. Tout son être maltraité se rebiffe : sa conscience lui jette en pleine face informe à la fois sa finitude pathétique et son néant absolu. "Celui qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera enlevé."
Il est bien au bord d'un gouffre .
Les vaches se moquent de vivre au bord d'un gouffre, elles n'ont pas d'yeux pour le voir. L'homme ne sait pas ne pas voir.