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Le lit de Procuste

procuste.jpg C'est une erreur de n'entendre le libéralisme que sous sa composante économique. Le libéralisme est un système, une totalité d'autant plus pernicieuse qu'elle prétend rendre compte des aspirations fondamentales de l'être humain (ce qu'en morale on appellerait loi naturelle*), selon un schéma inverse au socialisme : conservation de l'être, aspiration à la liberté, à une vie affective. Mais en niant farouchement les dimensions sociales de l'être humain - le bien commun et l'exigence de vérité - le libéralisme est, au sens technique du terme, une véritable hérésie **: un choix , une partialité qui se veut un tout. Les erreurs qui possèdent une part de vérité sont les plus perverses et sont celles qui ont la peau dure. Bref, comme tous les faussaires, cette idéologie veut nous faire prendre la partie pour un tout, quitte à mettre l'homme et sa réalité sur son lit de Procuste (mais c'est le même lit qui sert à toutes les idéologies - il est bon de mutualiser les moyens).

Faire le distingo entre libéralisme et ultra-libéralisme n'a donc pas de sens : une logique a pour vocation d'être poussée à son terme le plus ultime. En ce sens, l'autre flibusterie de cette idéologie est de faire croire que dans un système capitaliste de libre entreprise, elle est la seule possible et raisonnable. Ce qui est grossièrement faux, si l'on se donne la peine d'étudier tous les textes de l'Eglise à ce sujet - qui eux rendent compte de toutes les aspirations de l'homme.

Dostoïevski le pressentait, comme il pressentit toutes les autres falsifications de son siècle : "Le libéralisme (...) n'est pas une attaque contre l'ordre existant, mais une attaque contre l'essence même de notre vie, de tout ce qui en fait l'objet. Le libéral en est au point qu'il renie [sa patrie], c'est-à-dire qu'il hait et flagelle sa propre mère ***. Il en écarte et en proscrit jusqu'à la notion même comme étant nuisible et futile."
(L'Idiot, 3° Partie chp 2)

 

* Thème stoicien par excellence - non pas la loi de la nature évidemment, mais la loi naturellement présente en tout homme, ou, pour reprendre une définition de Réal Tremblay, de l'Académie Pontificale, : "la loi naturelle , c'est ce qui fait que l'homme "est"".
** du grec αἵρεσις / haíresis, choix, préférence.
*** Il peut paraître inconvenant d'associer une patrie à une mère - peut-être une faiblesse de traduction... (en fait non - cf commentaires ci-dessous !)

Commentaires

  • "Il peut paraître inconvenant d'associer une patrie à une mère "

    Pour un Russe? Certainement pas...

  • En effet : la patrie fait d'abord référence à la terre, ensuite aux pères : "terra patria", la terre des pères comme disaient les anciens. Donc dire "mère patrie" est infiniment convenable, si l'on considère la terre en tant que matrice - ce qui a quasiment toujours et partout été considéré ainsi.

  • Il me semble qu'on pourrait aussi citer Peguy...

  • J'hésite entre le rire et la pitié... Allez on reprend au début :
    http://www.dantou.fr/

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