"L’étonnement est un sentiment philosophique ; c’est le vrai commencement de la philosophie."
Platon, Théétète
"De tout ce que nous venons de dire sur la science elle-même, sort la définition cherchée de la philosophie. Il faut bien qu'elle soit la science théorétique des premiers principes et des premières causes ; car le bien et la raison finale sont une des causes. Et qu'elle n'est point une science pratique, c'est ce que démontre l'exemple de ceux qui ont philosophé les premiers. Ce qui, dans l'origine, poussa les hommes aux premières recherches philosophiques, c'était, comme aujourd'hui, l'étonnement.
(...)
Chercher une explication et s'étonner, c'est reconnaître qu'on ignore. Aussi peut-on dire, que l'ami de la science l'est en quelque sorte des mythes ; car le sujet des mythes, c'est le merveilleux. Par conséquent, si les premiers philosophes philosophèrent pour échapper à l'ignorance, il est évident qu'ils poursuivaient la science pour savoir, et non en vue de quelque utilité."
Aristote, Métaphysique, A, 2, 982b 10
Il est probable que tous les maux de notre époque viennent de ceci : l'homme a substitué l'étonnement pour le doute, qui est l'antithèse même de tout fondement scientifique (contrairement à ce que certains doutistes affirment). Le doute est un toxique qui paralyse l'intellect de l'homme et l'empêche de progresser. Doute érigé en système par nos maîtres du soupçon, qui ont ainsi livré l'homme dans des fers mentaux redoutables. Ainsi, doutant de tout, les âmes errantes ne posent plus que des "pourquoi pas ?" - n'étant même plus outillées pour répondre aux "pourquoi". Car il est évident qu'un "pourquoi pas" ne se démontre pas ; il s'expérimente simplement. Peut-être d'ailleurs Aristote l'avait anticipé :
« ceux qui se posent la question de savoir s'il faut ou non aimer ses parents n'ont besoin que d'une bonne correction et que ceux qui se demandent si la neige est blanche ou non n'ont qu'à ouvrir leurs yeux ».
Topiques, I, 2, 104b-105a
Au contraire l'étonnement pousse l'âme à vouloir comprendre selon l'éthique de la vérité, à donner une explication sur les causes des choses, et à s'en émerveiller. Ainsi donc, ce n'est pas la science qui provoque le désenchantement du monde d'après la formule de Max Weber ; ce sont tous ces charlatans malades d'esprit qui nous ont vendu leur représentation douteuse et étriquée.