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  • La charité bien ordonnée

    La charité s'ignore elle-même ; elle ne sait même pas de quoi elle est le nom, et elle se meurt à elle-même dès qu'elle se manifeste ; elle se joue comme on respire, dans le murmure d'une brise légère, très loin des cymbales et des cuivres retentissants du monde. Qu'on la dise et là voilà inerte.

    Seul l'étonnement la manifeste et l'authentifie : 
    "Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger ?- ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire ? Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli ? - ou nu, et t'avons-nous vêtu ? Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous venus te voir ?"

    Ceux-là sont comme les Tsadikim Nistarim, les justes cachés du Talmud : inconnus du monde et d'eux-mêmes, ils ignorent leur justice, et cela le leur fut compté comme tel.

     

  • Le sang des pauvres

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     Voilà, tout est là : Wall Street Is Europe’s Landlord. And Tenants Are Fighting Back. Le riche n'en finira pas d'eucharistier le pauvre sur l'autel de son idole. Prenez et buvez, ceci est le sang des pauvres versé pour la rédemption des riches. Faites ceci en mémoire de moi.

    Tu penses bien qu'ils n'oublient pas ; il faut que les pauvres souffrent pour eux, afin qu'ils jouissent de leur royaume.

     

     

    "Ce qui doit, un jour, accuser si terriblement les riches, c'est le Désir des pauvres. Tout homme qui possède au-delà de ce qui est indispensable à sa vie matérielle et spirituelle est un millionnaire [note : comparé à ceux qui n'ont rien], par conséquent un débiteur de ceux qui ne possèdent rien.

    "Le désir d'avoir du pain, d'avoir un peu de ce bon vin qui réjouit le cœur, le désir des fleurs et de l'air des champs, de tout ce que Dieu a créé pour les hommes, sans distinction.

    "La méchanceté la plus horrible est d'opprimer les faibles, ceux qui ne peuvent pas se défendre. Prendre le pain d'un enfant ou d'un vieillard par exemple, et combien d'autres iniquités du même genre dont la seule pensée crève le cœur, c'est tout cela qui doit être strictement, rigoureusement, éternellement reproché aux riches.

    "Quand on n'est pas exactement un méchant, on fait l'aumône, qui consiste à donner une part très faible de son superflu - volupté d'attiser le désir sans le satisfaire. L'aumônier donne les autres, c'est-à-dire ce qui appartient aux autres, son superflu. Le charitable se donne lui-même en donnant son nécessaire, et, par là, le désir du pauvre est éteint.

    "La dérision du Désir des pauvres est l'iniquité impardonnable, puisqu'elle est l'attentat contre la suprême étincelle du flambeau qui fume encore. C'est violer le refuge du lamentable Lazare qu'Abraham cache dans son sein."

     

    Léon Bloy, le Sang des Pauvres. V. Le Désir des pauvres.