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Du schisme

Les différences entre catholiques et orthodoxes soulèvent un grand problème qu'il s'agit plus de formuler que de résoudre. Pour nous, ce sont surtout des différences nées de l'histoire.

Le christianisme occidental [le catholicisme donc] a été soumis à des épreuves particulières. Il est le legs d'un certain Empire romain. Le christianisme avait conquis cet Empire, mais sa victoire coïncida "avec une impérialisation du christianisme" et celle-ci porta ses fruits du jour où, en Occident, au lendemain de la disparition de l'Empire au V° siècle, le christianisme en assuma les tâches, en reprit à son comptes les "structures mondiales". L'Eglise d'occident, œcuménique, dépasse les sociétés, les Etats ; elle utilise sa langue, le latin, commune à l'ensemble, comme un instrument d'unité. Enfin, elle gardera de l'Empire ses hiérarchies, sa centralisation, sa vieille et prestigieuse capitale, Rome. Plus encore, l'Eglise d'Occident s'engagera face à tous les problèmes politiques, sociaux, si nombreux durant la première nuit de la civilisation d'Occident. Elle sera la grande communauté capable de répondre à tous les besoins, ceux de l'âme, ceux du corps, à l'évangélisation, à l'enseignement, même au défrichement des terres nouvelles.

 

L'Eglise de Byzance, au X° siècle, se situe dans les cadres d'un Empire solide qui se survit et ne lui laisse ni les besognes, ni les périls d'une expansion temporelle. Il la domine, l'assujettit, la limite à ses seules tâches spirituelles.

L'Eglise orthodoxe qui s'enracine en Russie, moins distinguée du peuple des fidèles que l'Eglise d'Occident, est à demi indifférente en matière politique.

Elle est prête à accepter les cadres nationaux qui s'offrent à elle, assez peu préoccupée d'organiser, de hiérarchiser, soucieuse seulement d'implanter la tradition spirituelle telle qu'elle lui est transmise par la pensée grecque du X° siècle.

(...)

C'est peut-être qu'à l'Ouest le christianisme a été confronté , dès ses origines, avec des problèmes humains, collectifs, communautaires, juridiques mêmes, alors que la pensée religieuse à l'Est, est restée plus circonscrite, plus individuelle, aisément mystique, uniquement spirituelle.

Certains y voient l'origine de cette différence, essentielle sur le plan des civilisations, qu'alxis Khomiakov reconnaissait entre "orthodoxes mystiques et occidentaux rationalistes". Le christianisme occidental serait-il ainsi responsable de cette esprit rationaliste, si proprement européen, qui a dressé contre celui-là la pensée libre ?

Fernand Braudel, in Grammaire des civilisations, Champs

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