Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Histoire - Page 2

  • L'esprit de l'interpolateur

    Flavius Josèphe est un personnage juif de l'antiquité de premier plan, ayant vécu de 37 à environ 100 après Jésus-Christ.

    Avant qu'il fut Flavius, il était ben Matityahou HaCohen, c'est à dire avant qu'il ne tourna tunique, dès lors que la révolte juive, commencée en 66 contre l'occupant romain, prit un tour hasardeux dès l'année suivante. Les Romains, bonne pâte, lui pardonnent cette faute de goût, et lui se romanisant, écrivit deux oeuvres majeures que sont "La guerre des Juifs" et les "Antiquités Juives". Cette dernière est principalement connue pour sa courte notice sur Jésus aux paragraphes 63 et 64 du Livre XVIII, devenue le "testimonium flavianium", le témoignage flavien.

    La voici, telle que citée par exemple par Eusèbe de Césarée (265-339) dans son Histoire Ecclésiastique I,11,7-8 :

    « En ce temps-là paraît Jésus, un homme sage, [si toutefois il faut l'appeler un homme, car] ; c'était un faiseur de prodiges, un maître des gens qui recevaient avec joie la vérité. Il entraîna beaucoup de Judéens et aussi beaucoup de Grecs ; [Celui-là était le Christ.] Et quand Pilate, sur la dénonciation des premiers parmi nous le condamna à la croix, ceux qui l'avaient aimé précédemment ne cessèrent pas. [Car il leur apparut le troisième jour, vivant à nouveau ; les prophètes divins avaient dit ces choses et dix mille autres merveilles à son sujet.] Jusqu'à maintenant encore, le groupe des chrétiens [ainsi nommé après lui] n'a pas disparu. »

    Eusèbe poursuit :

    "Quand un écrivain parmi les Juifs eux-mêmes transmet dès ce temps-là dans l'un de ses écrits de pareilles choses concernant Jean-Baptiste et notre Sauveur, quelle chance reste-t-il aux faussaires qui ont fabriqué les Mémoires qui les concernent, d'échapper au reproche d'impudence?"

    Ou encore en Arabe, par Agapios de Menbidj (X°) :

    « Josèphe l’Hébreu parla aussi de cela dans ses livres sur les guerres des Juifs : À cette époque-là, il y eut un homme sage nommé Jésus dont la conduite était bonne ; ses vertus furent reconnues. Et beaucoup de Juifs et des autres nations se firent ses disciples. Et Pilate le condamna à être crucifié et à mourir. Mais ceux qui s'étaient faits ses disciples prêchèrent sa doctrine. Ils racontèrent qu'il leur apparut trois jours après sa crucifixion et qu'il était vivant. Il était considéré (par eux) comme le messie au sujet duquel les prophètes avaient dit des merveilles. »

     

    Inutile de dire que ce passage extra-biblique témoignant de l'historicité de Jésus-Christ fit débat sur son authenticité : ce serait trop beau pour être vrai, et sûrement un copiste chrétien facétieux, ou vexé, interpola cette notice dans le but de... dans le but de quoi au fait ?

    Nous ne nous attarderons pas sur la substance du débat concernant l'authenticité. Le consensus qui se dégage parmi les spécialistes est que cette notice n'est que partiellement extrapolée, notemment dans ses passages les plus christiques. Une recension des études par le professeur Louis Feldman entre 1937 et 1980 montre que sur 52 publications sur ce sujet, 39 concluent à une authenticité partielle *. Peter Kirby quant à lui déclare : "D'après ma propre lecture de treize livres publiés depuis 1980 concernant ce passage, dix affirment que le testimonium est en partie authentique, alors que les trois autres soutiennent qu'il est totalement faux. Par une pure coïncidence, les mêmes trois livres soutiennent également que Jésus n'a jamais existé. " **

     

    Je vais simplement m'attarder, sur ce passage :

    "En ce temps-là paraît Jésus, un homme sage, si toutefois il faut l'appeler un homme."

    Cela est censé avoir été interpolé par un copiste chrétien, en vue de refleter davantage la doctrine de l'Eglise véritable, corrigeant ainsi les approximations de Flavius Josèphe. Il est pourtant notable qu'aucun chrétien ne se serait aventuré à un tel ajout qui sent l'hérésie comme un maroilles trop affiné. Voici pour rappel le symbole du concile de chalcédoine (451) :

    "Suivant donc les saints Pères, nous enseignons tous unanimement que nous confessons un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme (composé) d'une âme raisonnable et d'un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même consubstantiel à nous selon l'humanité, en tout semblable à nous sauf le péché, avant les siècles engendré du Père selon la divinité, et aux derniers jours le même (engendré) pour nous et pour notre salut de la Vierge Marie, Mère de Dieu selon l'humanité, un seul même Christ, Fils du Seigneur, l'unique engendré, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation, la différence des deux natures n'étant nullement supprimée à cause de l'union, la propriété de l'une et l'autre nature étant bien plutôt sauvegardée et concourant à une seule personne et une seule hypostase, un Christ ne se fractionnant ni se divisant en deux personnes, mais en un seul et même Fils, unique engendré, Dieu Verbe, Seigneur Jésus-Christ."

     

    L'Eglise, catholique et orthodoxe, maintient et a toujours maintenu cette affirmation de l'humanité pleine et entière du Christ, ce qu'affirment les quatre Evangiles avec force : ainsi "le fils de l'Homme", ho huios tou anthrôpou, revient 39 fois chez les évangélistes. S'il fallait retenir une thèse christologique (techniquement l'incarnation) des évangiles, c'est la démonstration que le Christ était pleinement homme, Verbe fait chair qui bu, mangea, marcha, se fatigua, pleura, s'énerva, déprima, aima, et enfin souffrit et mourut sous la procurature de Ponce Pilate. Saint Paul dans ces épîtres n'affirme pas autre chose avec non moins de force, par exemple dans la lettre aux Romains : "En effet, si la mort a frappé la multitude des hommes par la faute d'un seul, combien plus la grâce de Dieu a-t-elle comblé la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus-Christ." Le Christ est pour saint Paul le nouvel Adam. Et toute sa théologie (ainsi que celle de l'Eglise) s'écroule s'il n'est pas vraiment homme. Saint Irénée (120-202) d'ailleurs ne s'y trompe pas, qui fit des gnostiques en tous genres la cible de tout son catéchisme dans sa "Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur." Ainsi écrit-il contre ceux qui nient l'humanité du Christ : "le Fils de Dieu est-il devenu fils de l'homme pour qu'à son tour l'homme devînt fils de Dieu" (AH II, 10,2). Ou encore : "Celui-ci [ le Verbe] est donc bien parfait en tout, puisqu'il est à la fois Verbe puissant et homme véritable. Il a donné son âme pour notre âme, et sa chaire pour notre chaire" (AH V, 1,1). Qu'on pense seulement à la somme de toutes les polémiques entre le monde grec et les Pères de l'Eglise concernant la pierre d'achopement de l'incarnation.

     

    Que les apôtres, témoins de Jésus-Christ, l'Eglise dès son commencement, les Pères par la suite affirment sans détour et nettement l'humanité authentique du Christ contre toutes les hérésies possibles, cela ne fait pas doute. Il faudrait une âme de bénédictin pour en faire toute la recension. Que l'on soutienne alors que la formule "si toutefois il faut l'appeler un homme" fut ajoutée par un copiste chrétien est absurde : aucun véritable chrétien n'a jamais douté que l'on put appeler Jésus un homme - ce doute n'appartient qu'à l'hérésie : docétiste, gnostiques, appolinariste, monothéliste etc. Bref, la négation de pleine et authentique humanité du Christ ne fait pas, n'a jamais fait parti, du corpus doctrinal de l'Eglise apostolique, à aucun moment, nulle part. Il est d'ailleurs stupide de penser que les chrétiens des premiers siècles, sachant précisément qui étaient Flavius Josèphe, attendent de lui une profession chrétienne en mauvaise et indue forme.

     

    * Louis Fledman, Josephus and Modern Scholarship, 1984
    ** Kirby, Testamonium Flavianum, 2001

     

    Plus de détail sur le testamonium Flavianum ici.

  • Charivari

    slide_34.jpg

    HISTOIRE
    DES CROISADES,
    Par JACQUES DE VITRY.

    LIVRE SECOND.
    De la corruption des contrées de l'Occident et des péchés des Occidentaux.

     

     

     

    CHAPITRE VI.
    De la situation de la ville de Paris.

    Presque tous les écoliers de Paris, étrangers et nationaux, ne s'occupaient absolument qu'à apprendre ou à rechercher quelque chose de nouveau. Les uns apprenaient seulement pour savoir, ce qui est curiosité, les autres pour se faire connaître, ce qui est vanité; d'autres encore, pour faire des profits, ce qui est cupidité et vice de simonie. Bien peu d'entre eux apprenaient pour être édifiés ou pour édifier. Ils se provoquaient les uns contre les autres, et se contredisaient entre eux, non seulement au sujet des diverses sectes, ou à l'occasion de quelque discussion; mais en outre la diversité des contrées excitait entre eux des dissensions, des haines et des animosités virulentes, et ils se faisaient impudemment les uns aux autres toutes sortes d'affronts et d'insultes. Ils affirmaient que les Anglais étaient buveurs et ridicules; les enfans de la France fiers, amollis, et artistement parés comme des femmes; ils disaient que les Teutons étaient brutaux et obscènes dans leurs festins; les Normands vains et glorieux; les habitans du Poitou traîtres, et toujours flatteurs de la fortune. Ceux qui étaient originaires de la Bourgogne, ils les tenaient pour grossiers et insensés. Les Bretons étaient réputés légers et mobiles, et on leur reprochait fréquemment la mort d'Arthur. Les Lombards étaient appelés avares, méchans et incapables de faire la guerre; les Romains séditieux, violens et médisans; les Siciliens tyrans et cruels; les habitans du Brabant hommes de sang, incendiaires, brigands et ravisseurs; ceux de la Flandre légers, prodigues, adonnés à la gourmandise, mous comme le beurre, et lâches. A la suite de pareilles insultes, on en venait très-souvent des paroles aux coups.


    Je ne parlerai pas de ces logiciens devant les yeux desquels voltigeaient sans cesse «les moucherons de l'Égypte,» c'est-à-dire toutes ses subtilités sophistiques, en sorte qu'on ne pouvait comprendre leurs langues éloquentes, dans lesquelles, comme dit Isaïe, il n'y a point de sagesse. Quant aux docteurs de théologie, «assis sur la chaire de Moïse,» ils étaient gonflés de science, mais leur charité n'édifiait point. Enseignant et ne pratiquant point, ils sont devenus comme «l'airain qui résonne, ou la cymbale qui retentit,» ou comme le canal construit en pierre, qui demeure toujours sec, et devrait conduire les eaux dans «le parterre des plantes aromatiques.»

     

    Or, non seulement ils se haïssaient réciproquement, mais ils attiraient à eux par leurs flatteries les écoliers des autres, recherchant leur gloire particulière, mais ne se souciant nullement du bien des âmes. Ayant entendu, les oreilles bien dressées, ces paroles de l'Apôtre: «Celui qui désire d'être évêque, désire une oeuvre excellente,» ils multipliaient les prébendes, et poursuivaient les dignités; et cependant c'était bien moins à l'œuvre qu'à la prééminence qu'ils aspiraient, et ils désiraient surtout «d'avoir les premières places dans les festins, les premiers sièges dans les synagogues, et d'être salués les premiers dans les places publiques.» Tandis que l'apôtre Jacques a dit: «Nos frères,, qu'il n'y ait pas plusieurs maîtres parmi vous,» eux, au contraire, étaient tellement empressés à devenir maîtres, que la plupart d'entre eux ne pouvaient avoir d'écoliers, si ce n'est à force de prières ou de sacrifices.

     

    Or, il est plus sûr d'écouter que d'enseigner, et un humble auditeur vaut mieux qu'un docteur insuffisant et présomptueux. Enfin, le Seigneur ne s'était réservé parmi eux qu'un petit nombre d'hommes honnêtes et timorés, «qui ne se fussent point arrêtés dans la voie des pécheurs,» ni assis avec les autres sur la chaire empoisonnée.

     

    In DES MÉMOIRES RELATIFS A L'HISTOIRE DE FRANCE, DEPUIS LA FONDATION DE LA MONARCHIE FRANÇAISE  JUSQU'AU 13e SIÈCLE AVEC UNE INTRODUCTION DES SUPPLÉMENS, DES NOTICES ET DES NOTES;

    PAR M. GUIZOT,
    A PARIS,
    CHEZ J.-L.-J. BRIÈRE, LIBRAIRE,

     

     

    Illustration : Moyen-Âge tardif - 14°. Henry de Germanie donnant une conférence aux étudiants de l'Université de Boulogne ca. 1360-1390. Liber ethicorum des Henricus de Alemania by Laurentius de Voltolina.

  • Libido sciendi

    scholae.jpg

     Encore un exemple d'obscurantisme honteux dans lequel fut plongé notre occident pendant tant de siècles.

    Heureusement, les "Lumières" ont tout arrangé - la preuve en est, on ne manque jamais de nous le répéter. Ad libidinem nauseae.

     

    A lire ici.

  • Godwin +1

    holland-adolphe.jpgPlutôt comique cette Une du journal marocain  Al Watan Al Ane, édition du 29/01/2015, qui reproche apparemment à notre PR de ne pas protéger les musulmans de France (!) Quand on connait l'admiration du Führer pour cette religion de paix et de tolérance, et certains de ses aficionados de l'époque comme le grand moufti de Jérusalem Haj Mohammed Effendi Amin el-Husseini, la pantalonnade prête à sourire.

    Il est vrai que la relation de l'Islam avec l'histoire telle qu'on la conçoit comme discipline scientifique en Occident, n'a jamais été son souci numéro un ; en revanche la science de la théorie du complot atteint un niveau d'aboutissement dans cette culture rarement égalée.

    Ainsi des terroristes islamistes massacrent des anarchistes athées et des Juifs, des policiers musulmans ou autres. En bon français tel qu'on le parle dans nos bistrots, ces derniers sont les victimes, et les premiers des assassins. Erreur. Les victimes sont avant tout les musulmans ! C'est que pour tous ces pleurnichaillons, on ne peut se concevoir musulmans autrement qu'en misérable victime oppressée. La guerre c'est la paix. Et le bourreau c'est la victime.