Peut-être que pour les morts, victimes de la barbarie nazie, Pie XII aurait dû parler haut et fort. Peut-être que pour les vivants, ce qu'il restait à sauver du carnage, Pie XII a bien fait d'agir.
Il est certain en revanche que ces formes conditionnelles sont hors-sujet en Histoire. Ce qui reste des faits objectifs, tels qu'ils ressortent des documents, témoignages et archives de divers pays, c'est que Pie XII a agi matériellement et moralement pour sauver des Juifs, avec des succès et des échecs.
Donc au juste, ce que l'on reproche de toute part à Pie XII, c'est d'avoir agi pour aider les Juifs ? Est-ce bien cela ?
Mais un pape que les staliniens* qualifièrent de vendu à Hitler, et que les nazis qualifièrent de vendu aux Juifs et aux communistes, un tel pape ne peut-être foncièrement mauvais.
* Ceux-là mêmes qui signèrent un pacte avec Hitler en 1939, et lui prêtèrent main forte ensuite pour dépecer la Pologne (5 300 000 morts au total, 15% de sa population, dont 3 000 000 de Juifs.)
-"Les activités humanitaires du Vatican furent par nécessité circonscrites par la prudence et la méfiance. Les immenses responsabilités reposant sur les épaules du pape et les armes puissantes que les Nazis pouvaient utiliser contre le Saint-Siège se combinèrent indubitablement pour l'empêcher de faire une protestation formelle et publique, bien que les persécutés espéraient ardemment l'entendre. Il est triste de devoir dire que durant la guerre entière, tandis que les laboratoires de la mort fonctionnaient à plein régime, le pape garda le silence."
Léon Poliakov, Breviaire de la haine; quoted in Leiber,op. cit., p. 457.
-"Il est douloureux d'avoir à dire qu'à l'époque ou les chambres à gaz et les fours crématoires opéraient jours et nuits, la plus haute autorité spirituelle du Vatican ne jugea pas nécessaire de faire une protestation claire et solennelle qui aurait eu des répercussions dans le monde ; et pourtant on ne peut pas affirmer qu'il n'y ait pas eu de raisons pertinentes et valables de ce silence."
Léon Poliakov, magazine Commentary de novembre 1950
-"Cette aide directe donnée aux juifs persécutés par le pape en tant qu'évêque de Rome, fut l'expression symbolique d'une activité qui s'est déployée à travers toute l'Europe, encourageant et promouvant les efforts manifestés par les Eglises locales catholiques dans la majorité des pays. Il est certain que des instructions secrètes furent données par le Vatican, exhortant les Eglises locales à intervenir en faveur des Juifs."
Leon Poliakov, "Le Vatican et la question juive," Monde juif, décembre, 1950; quoted in Duclos, op. cit., pp. 191-192.
-"Le moindre bruit de propagande de la part de l'Eglise catholique contre le Reich d'Hitler n'aurait pas été qu'un suicide provoqué, mais aurait hâté l'exécution d'encore plus de Juifs et prêtres".
Robert M.W. Kempner,ancien avocat au procès de Nuremberg, dans une lettre à l'éditeur du magazine "Commentary" qui avait publié un extrait de Guenter Lewy en 1964.
-"Si l'équité et la justice historique sont les pierres angulaires de la morale juive, alors rester silencieux devant les attaques diffamantes à l'égard d'un bienfaiteur est une injustice (...). Est-ce que Pie XII n'a pas parlé clairement contre le nazisme, avec une compassion envers les victimes de toutes les persécutions et sans aucun doute possible aussi envers les Juifs, dans ses nombreuses allocutions, lettres pastorales, aux nonces et aux évêques ? Est-ce que ces néo-païens, qui méprisèrent sans scrupule la loi divine et les commandements de Jésus, auraient écouté les appels de Rome ? Est-ce que Pie XII aurait pu défier Hitler, sans armées - et en même temps être capable d'aller sauver des Juifs secrètement ? (...) Quiconque est d'avis que la situation ne pouvait être pire devrait se souvenir qu'au moins deux millions de Juifs, plus d'un quart des Juifs d'Europe, ont survécu à la boucherie de Hitler, même de justesse - grâce à l'aide de l'Eglise, des évêques, des prêtres et des laïques."
Pinchas E. Lapide, Three Popes and the Jews, New York, 1967
-"Je dirais maintenant, à la lumière des débats et des preuves qui ont suivi la parution du "Pape d'Hitler", que Pie XII avait tellement peu de liberté d'action qu'il est impossible de préjuger de son silence pendant la guerre, alors que Rome était sous la botte de Mussolini et plus tard occupée par les Allemands."
John Cornwell, auteur du "Pape d'Hitler" cité in The Economist, le 9 décembre 2004