Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Cas de possessions

Ce n'est pas nous qui possédons tel ou tel objet, ce sont le plus souvent les objets qui nous possèdent; en ce sens il ne faut pas se laisser abuser par la grammaire, car avec ce verbe faussement appelé auxiliaire, en réalité titulaire, l'objet est bien le sujet et le sujet, l'objet.
La conjugaison est en revanche plus proche de la réalité, qui est commandée par l'objet. Le sujet ne commande rien, l'objet dicte tout.

Ou bien c'est que, possédant, nous mettons de notre "moi" dans l'objet possédé, qui devient comme parti du moi, mais extérieur au moi. Il s'ensuit une extrême fragilité, puisque le moi se retrouve dispersé, fragmenté hors du moi - et donc une aggressivité plus grande pour protéger ce qui apparaît faible. Les objets nous possèdent donc par l'acte même de les posséder. Plus j'ai, plus épars mon être, moins je suis.

Plus on possède, plus on risque de perdre, plus on se couvre de chaînes pour protéger ces possessions. Seuls ceux qui n'ont rien sont parfaitement libre. Eux, leur joug est léger, et leur fardeau, un baluchon de plumes.
Pourtant, voici ce qu'écrit Dostoïevski dans "Souvenir de la Maison des Morts', qui raconte son expérience des goulags tsaristes : "Sans travail, sans loi, sans rien qui lui appartienne en propre, l'homme s'avilit, il redevient une bête."

Cependant, l'homme possèdant, possède un besoin de posséder : c'est donc qu'anthropologiquement, il y a un manque qu'il doit combler - mais qu'il comble mal. Peut-être alors la question est : "que posséder, qui comble notre manque, mais qui ne nous couvre pas de chaînes ?".

Bien tard je t'ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle,
Bien tard je t'ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
et c'est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites,
pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n'existaient pas en toi, n'existeraient pas !

Saint Augustin, Confessions X, 27, 38

Ô douceur non décevante, ô douceur heureuse et sûre, qui rassemble les lambeaux epars de mon être déchiré et, en se détournant de toi, l'unité fondu dans le multiple.

Les commentaires sont fermés.