Je me demande si cette question de l'euthanasie (dans sa large application) n'est pas finalement symptômatique d'une médecine "moderne" dont le paradigme moniste arrive à bout de course, complètement exténué. Comme elle se figure dans une impasse face à des problèmes qu'elle ne peut résoudre avec son paradigme habituel, n'ayant pas même bien souvent l'espérance de nouveaux traitements (combien de fois ne nous a-t-elle pas promis la lune dans ce domaine), elle bascule dans un sub-paradigme très shadokien : elle prône l'élimination du porteur du problème. Plus de porteurs, plus de problèmes ; s'il n'y a pas de solutions, c'est qu'il n'y a pas de problèmes, quod erat demonstrandum, et dignus est transpassere. La société que l'on fit adhérer au forceps à ce paradigme moniste, à grand coups de téloches étourdissantes en alternance à de fumeux discours philosophiques, suit sans rechigner ses nouveaux oracles, ses nouveaux grand-prêtres, comme un chienchien bien dressé. Comble de l'absurde : c'est à de simples techniciens du corps humains que l'on demande de se prononcer sur un problème essentiellement éthique, comme on demanderait à un plombier de résoudre un problème de dent avariée. Or le problème de l'euthanasie n'est pas un problème médical : le médical est ici paramètre. C'est un problème essentiellement moral, qui doit donc être traité par des moralistes.*
L'inquiétude de cette approche, au-delà de la question ethique, c'est qu'il dispense de chercher une vraie solution. Est-ce ainsi que la médecine a accompli tous ses progrès ? Bref, on sacrifie en fait le futur au nom du présent. Moralité : "Quand on ne sait pas où on va, il faut y aller, et le plus vite possible."
* Un responsable d'un parti politique de gauche souhaite l'ouverture d'un débat sur l'euthanasie "dans le respect de la laïcité" ! Faut-il être con décidément pour faire de la politique ?