Quand l'homme évacue la question de Dieu, se bouchant les oreilles et poussant de grands cris, il évacue une éternité pleine et entière et se retrouve seul face à l'infini de son néant.
Il est dès lors facile de comprendre pourquoi le désir devient la seule mesure de ces hommes : contrarier un désir revient à les priver éternellement d'une possibilité, à condamner un choix et une vie à perpétuité. La contrariété lèse donc, dans cette perspective de néant, une personne d'une mesure infinie. Voilà une pensée légitimement intolérable pour qui la vie est un sursis : aucune morale ne fait le poids face à l'infini du néant : qui saura réparer le tort d'une possibilité déniée à jamais, quand chaque seconde d'existence vaut son pesant d'éternité ?
Sans Dieu tout est permis, et même, tout doit être permis ; l'impossibilité est un péché contre la vie d'un poids infini. Voilà pourquoi la société est bien embarrassée lorsqu'elle tente de poser des limites à ce qui est possible : la réalité, c'est qu'elle ne peut plus y parvenir, ayant renié tout ce qui fondait la morale et donc la justice. La société est victime de sa neutralité : tolérant la croyance également à l'incroyance, elle ne peut faire autrement que de se plier aux dictats du plus petit dénominateur, par obligation d'égalité. Elle se contraint donc de priver celui qui a plutôt que de forcer qui n'a pas, étant entendu qu'on ne saurait priver celui qui n'a pas de quoi que ce soit.
A cause de sa neutralité voilà donc la société forcée de supporter tous les choix, sans possibilité pour elle-même de choisir le bien commun. Mais surtout, elle se voit contrainte de supporter toutes les conséquences sociales et donc financières des libres choix individuels. Alors, dans l'impossibilité de s'attaquer au coeur du problème, la voilà elle-même contrainte d'éponger toutes sortes de symptômes à coups de milliards et de budget toujours plus enflé et déficitaire. Voici : la société paye un loyer exorbitant à cette tyrannie du libre choix, obligée à perpétuité de réduire les symptômes quand elle est impuissante à neutraliser la racine du mal.
Contraindre la nature provoque une dépense d'énergie proportionnelle à la force de cette contrainte ; de même contraindre la nature de l'homme. Faire comme si l'homme n'était pas créé à l'image Dieu et promis à une pleine éternité, c'est comme faire du maïs une plante de régions arides. Vivre dans cette illusion a un coût absolument ruineux.
Les civilisations ne meurent pas, elles se suicident dit-on. Le plus pathétique, c'est qu'elles se voient mourir peu à peu, à la fois pleinement conscientes et impuissantes, la volonté anesthésiée par une logique qu'elles se sont librement donné comme un lent poison.
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