Suite de la querelle, en version profane : l'avis de Shakespeare (1564-1616) sur façon de s'habiller de la jeunesse à son époque :
Hamlet, IV,7 :
Le roi :
Depuis vos nombreuses pérégrinations, l'on parle de vous souvent,
et ce, en présence d'Hamlet, pour un talent où, dit-on, vous brillez ;
la somme de toutes vos qualités arracha de lui moins de jalousie que celle-là seule - à mon avis des moins estimables.
Laërte :
Et quelle est cette qualité, monseigneur ?
Le roi :
Un simple ruban au chapeau de la jeunesse,
bien utile pourtant ; car une livrée frivole et négligée ne déteint pas moins sur la jeunesse qui la porte,
que la zibeline et les étoffes sur la vieillesse, inspirant prospérité et gravité.
A very riband in the cap of youth,
Yet needful too; for youth no less becomes
The light and careless livery that it wears
Than settled age his sables and his weeds,
Importing health and graveness.
Ah, jeunesse débraillée ! Les pointes assassines de Shakespeare dans cette pièce contre les travers de son temps, valent au moins celles de Molière.
Eh tiens, parlant de Molière : L'Avare, I,4 (1668)
Cléante :
Quelle grande dépense est-ce que je fais?
Harpagon :
Quelle? Est-il rien de plus scandaleux, que ce somptueux équipage que vous promenez par la ville? Je querellais hier votre sœur, mais c'est encore pis. Voilà qui crie vengeance au Ciel; et à vous prendre depuis les pieds jusqu'à la tête, il y aurait là de quoi faire une bonne constitution. Je vous l'ai dit vingt fois, mon fils, toutes vos manières me déplaisent fort; vous donnez furieusement dans le marquis; et pour aller ainsi vêtu, il faut bien que vous me dérobiez.
Cléante :
Hé comment vous dérober?
Harpagon :
Que sais-je? Où pouvez-vous donc prendre de quoi entretenir l'état que vous portez?
Cléante :
Moi? mon père: c'est que je joue; et comme je suis fort heureux, je mets sur moi tout l'argent que je gagne.
Harpagon :
C'est fort mal fait. Si vous êtes heureux au jeu, vous en devriez profiter, et mettre à honnête intérêt l'argent que vous gagnez, afin de le trouver un jour. Je voudrais bien savoir, sans parler du reste, à quoi servent tous ces rubans dont vous voilà lardé depuis les pieds jusqu'à la tête; et si une demi-douzaine d'aiguillettes ne suffit pas pour attacher un haut-de-chausses? Il est bien nécessaire d'employer de l'argent à des perruques, lorsque l'on peut porter des cheveux de son cru, qui ne coûtent rien. Je vais gager qu'en perruques et rubans, il y a du moins vingt pistoles; et vingt pistoles rapportent par année dix-huit livres six sols huit deniers, à ne les placer qu'au denier douze.
Ah, jeunesse précieuse, jeunesse dispendieuse... Saura-t-elle jamais un jours s'habiller proprement aux yeux fatigués des vieux ?