La réalité est ce qui est. Elle s'englobe dans la vérité, qui est ce qui est, et ce qui fut.
Une chose est premièrement par elle-même : elle existe. Elle est pour l'autre, dans un premier temps, contingentement, phénomène. Il convient donc de distinguer l'existence de la conscience, et de ne pas amalgamer les deux : ce n'est pas parce que 99,9999999% de la planète n'a pas conscience que je suis, qu'objectivement je ne suis pas. Ce n'est pas parce que je n'ai pas conscience des autres qu'ils n'existent pas.
Je suis donc, et je sais que je suis. Inutile de refaire une démonstration cent fois refaites depuis plus de 1600 ans. Ma réalité est certaine. La réalité de l'autre est en revanche très improbable.
1) Nous ressentons au présent uniquement. Nous pouvons pressentir, ou nous souvenir que nous avons ressenti, mais alors cela n'a plus de réalité dans l'autre. Le problème est la réalité effective, mesurable et quantifiable du présent :
- du moment que nous avons ressenti, le phénomène à l'origine de la perception est déjà passée et n'est plus, le temps que le phénomène parvienne à la consience. Nous ressentons au présent ce qui est déjà dans le domaine du passé.
- ce présent, qui peut le saisir et dire : le présent, c'est ça ? Du moment que je pense le présent il n'est plus, mais il est autre. Le présent est cet instant, pellicule infinitésimale entre deux glacis massifs que sont le passé (rétrospection) et le futur (projection). Instant insaissable et inquantifiable, nous est-il seulement possible de toucher le présent ? Si nous ne pouvons toucher le présent, comment toucher le réel ? Nous ne toucherions que des simulacres de réel ?
2) Nous sommes matière, et nous percevons la réalité de l'autre d'abord matériellement (c'est à dire que nos sensations - vue, ouïe, toucher, odorat, goût - sont principalement matérielles et traduisent un phénomène matériel). Pourtant le volume d'un atome est, dit-on, "constitué" à 99,9999999999999 % de vide ! Si un noyau d'hydrogène mesurait un millimètre, selon des physiciens poètes, son électron folâterait à cinquante mètres de distance. L'atome aurait un diamètre de cent mètres de vide.
Nous sommes donc essentiellement du vide* (formulation étrange en elle-même). Notre réalité perceptible est en fait "vide" ! Voilà un menu avec bien peu de saveur et de fumet, fort peu dyonisaque !
Deuxième chose, cette matière farcie de vide est en fait, par exemple chez l'électron ou le photon, duale : simultanément onde ET particule.
Voilà donc une réalité, la matière, qui est ressentie de façon absolument contre-intuitive : la matière est une probabilité...
Dostoïevski notait dans ses carnets : "Je reconnaît l'existence de la matière, mais je ne sais pas du tout si la matière est matérielle."
Un présent fuyant sans cesse et une matière vide de matière, indiscernable, la réalité parait décidément bien peu réelle. Et pourtant les chances de survie d'un être niant le réel laisse peu d'espoir. Je ne saurai subsister que dans le réel : la triche, le mensonge, simulacre et contrefaçon du réel, c'est la mort.
Nous n'avons en définitive le choix qu'entre le réel et le néant.