Il faut rendre grâce à la presse : le zèle avec lequel elle corrige si fraternellement l'Eglise, pour ses erreurs et travers dans les affaires de pédophilies, est digne d'éloges.
Ainsi le dévouement avec laquelle elle ressort de ces dossiers d'il y a trente ou quarante ans, quoiqu'il leur en coutât de crédibilité à rappeler que nombre de ces organes faisaient alors sans pudeur la promotion ouverte de la pédophilie. *
Ou de l'obstination à vouloir impliquer Benoît XVI quoiqu'il leur en coutât sept fois de ridicule : héroïque vraiment, comme sortir par un curieux jeux de coïncidences une histoire de pédophilie vieille de 20 ans, le lendemain de la lettre du Pape aux évêques d'Irlande.
Bref, la voilà qui une fois de plus met en péril avec rage sa crédibilité et objectivité, uniquement pour aider l'Eglise à être toujours plus irréprochable, toujours plus sainte, toujours plus à l'image de son Créateur. Nous leur savons très gré, conscients que d'autres institutions n'ont pas eu cette chance : éducation nationale, clubs sportifs, de vacances, etc. toutes celles-là doivent vivre encore avec leur abcès, faute de couverture médiatique appropriée.
* Extraits, partie "La Révolution sexuelle des seventies : le temps de la plaidoirie"
Une des grandes nouveautés dans cette sortie du silence et de l'opprobre, c'est la place nouvelle faite à l'enfant : le voici enfin au cœur du débat, présenté comme une victime manipulée, abusée, souffrante et possiblement détruite par ceux qui condamnent la pédophilie, défini comme un être autonome et conscient, capable de discernement et de choix, et surtout habité de désirs par ceux qui défendent la pédophilie. Non que la parole soit donnée aux enfants par la presse, mais au moins sont-ils évoqués comme des personnes et des sensibilités et pas seulement comme les purs objets sur quoi est perpétré un délit ou un crime.
Cette position vaut à Libération quelques ennuis. En mars 1979, le journal titre triomphalement sur « les outrages de Libération » et annonce que, depuis 19 mois, il a subi 9 inculpations pour outrages aux bonnes mœurs et incitations à la débauche. Ces poursuites sont présentées par Serge July comme des manœuvres visant à obtenir du journal « qu'il s'autocensure et revienne à une conception plus classique de la presse », c'est-à -dire au respect du partage traditionnel entre politique et sexe. Ce que visent le garde des Sceaux et le Parquet, c'est le dessèchement et la sclérose d'une presse trop innovante, une presse qui, en l'occurrence, « respecte le mouvement, les mouvements contradictoires et multiples de la vie », affirme-t-il. C'est la liberté de la presse qui est ici mise en péril, et Jean-Luc Hennig a cette formule : « on n'a pas eu Libération par la politique on l'aura par le cul » . Petites annonces demandant des mineurs de 12 à 18 ans, témoignages de lecteurs, dessins, ainsi qu'un article annonçant la naissance du Front de libération des pédophiles, paru en mai 1977, ont en effet été attaquées par le Parquet, au nom de la protection de l'enfance. Cette rafale judiciaire est interprétée par le quotidien comme la riposte des censeurs, de la société oppressive, de l'ordre moral à sa lutte révolutionnaire, le triomphe de France Soir ou de Minute, journaux bien pensants et réactionnaires.
Libération n'est pas tout à fait isolé, cependant, dans cette défense de la pédophilie ; Le Monde, quoique plus prudemment, s'y livre aussi. Et plus prudemment, parce que le biais est ici plus strictement littéraire : c'est souvent via la critique de livres que la pédophilie émerge de l'océan de silence et de réprobation où elle gisait. En octobre 1976, un album publié par Schérer et Hocquenghem est ainsi salué : « les auteurs ne cachant pas que le corps des enfants – sexué, désirant, désirable, ludique – les intéresse. Leur livre n'est pas « à mettre entre toutes les mains » aurait-on dit naguère. On serait bien embarrassé, aujourd'hui, de préciser lesquelles. Celles des parents, peut-être.
Faut-il, en bon samaritain et juste retour charitable, rappeler la longue litanie des fiasco de la presse (Timisoara, guerre du Golfe, affaire Dominique Baudis, Outreau etc.) Promis, juré-craché, on ne nous y reprendra plus, disait-elle à chaque fois. On entend ça dans tous les prétoires de correctionnelles. Nous saurons quant à nous nous souvenir de cette application, de cette apostolat, de cette croisade de la presse toute entière contre la pédophilie. Nous ne manquerons pas de la rappeler en temps opportun. Nous avons nous aussi à coeur d'aider la presse à rester juste et objective. Par exemple en ne l'achetant plus !