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  • De Nietzsche et de la politique bling-bling

    Il faut reconnaître à Nietzsche un don certain pour l'observation et un talent unique pour les dire. Ainsi sur les célébrités de son temps dont on voit qu'elles sont de tout temps :

    "Les hommes célèbres qui ont besoin de leur célébrité, comme par exemple tous les politiciens, ne choisissent plus jamais leurs alliés et leurs amis sans arrières-pensées : ils veulent emprunter à celui-là un peu de l'éclat et du reflet de sa vertu (...), à tel autre ils volent sa réputation d'oisif (...), parce que cela sert leurs propres buts de passer momentanément pour distrait et indolent : - cela cache le fait qu'ils sont aux aguets ; ils ont besoin d'avoir à leur côté, comme s'il était leur moi du moment, tantôt le rêveur, tantôt le connaisseur, tantôt le méditatif, tantôt le pédant, mais presque aussitôt, ils n'ont plus besoin d'eux ! Et ainsi, leur entourage et leur façade demeurent continuellement tandis que tout semble se presser vers cet entourage et veut devenir leur "caractère" (Comédie des célébrités, Gai Savoir, 1er Livre 30.)

    D'un autre côté c'est une observation plutôt banale. Peut-être que ce qui change de nos jour, c'est que même les célébrités qui n'ont pas vraiment besoin de leur célébrité font exactement de la sorte.
    Ce n'est, en définitive, pas très grave. La vanité est un puissant moteur qu'on aurait grand tort de ne pas exploiter.

  • De Nietzsche et du "travailler plus"

    Qui eut pensé que Nietzsche fut, un bon siècle plus tôt, un ardent opposant au sarkozisme ? Facile à prouver :

    "La plus ardente au travail de toutes les époques - notre époque - ne sait rien faire de son immense ardeur au travail et de son argent, sinon encore plus d'argent et encore plus d'ardeur au travail ; il faut plus de génie pour dépenser que pour amasser !" (Le Gai Savoir, 1er Livre, 21)

    (J'émettrai une réserve sur l'homme russe qui, lui, n'a jamais éprouvé aucune panne d'imagination pour dépenser grassement l'amassement.)

    Notons que chez nous  les publicitaires se chargent bien volontier d'être les mauvais génies de la dépense. Constatant les lacunes béantes de l'homo economicus sur la façon de brasser son argent amassé, ils prennent à charge notre lassitude et notre imagination. En effet l'esprit tout gras, tout pesant, tout empoté de consommation ne se meut plus - il est comme ces individus odieusement obèses qui ne peuvent plus se retourner sans faire appel à une armée de péones.
    Ces messies de la dépense nous expliquent donc comment il faut se vêtir, se shampouiner, se raser, manger, boire - ils nous disent  les types cools qu'on doit fréquenter, et ceux qu'on doit imiter pour être soi-même cool et fréquentable.
    Surtout, écoutez-les, ils veulent tous notre bien et notre bonheur, voilà le plus remarquable. Je l'affirme sans risquer de jamais me tromper, nulle époque n'eut autant d'âmes aussi professionellement charitables - qui se dévouent aux heures ouvrées au bonheur d'autrui.
    Pourvu qu'on puisse se le(s) payer.
    Faux-monnayeurs. Les marchands d'élixirs miracles, ne les appelait-on pas charlatan ? Ne les couvrait-on pas de goudron et de plumes ?
    Nunc ecce homo : cocu, battu, content de l'être, l'idiot utile engraisse ces sansonnets pour qu'ils lui pépient continuellement leurs gentilles sornettes à dormir debout, auxquelles il a déjà soldé son âme.

    Nietsche, encore une fois :

    "Que de fois je vois que la rage aveugle de travail procure certes richesses et honneur, mais qu'elle prive simultanément les organes de la finesse qui permettrait de prendre plaisir à la richesse et à l'honneurs."
    "Il y a une sauvagerie à l'indienne dans la manière dont les Américains courent après l'or : et leur course effrénée - le vice propre au Nouveau Monde - commence déjà, par contagion, à rendre la vieille Europe sauvage, et à répandre sur elle une absence d'esprit absolument stupéfiante. On a déjà honte, aujourd'hui, du repos ; la méditation prolongée provoque presque des remords. On pense la montre en main, comme on déjeune, le regard rivé au bulletin de la bourse."
    "Faire n'importe quoi plutôt que rien - ce principe aussi est une corde qui permet de faire passer de vie à trépas toute éducation et tout goût supérieur."

    "Travaillez plus pour gagner plus"... Dire que c'est le projet de société d'un parti politique. Confusion intellectuelle classique où l'on prend la fin pour les moyens. Travailler pour vivre décemment en accord avec la dignité de l'homme, voilà la seule finalité du travail.

    La conséquence de ce sophisme, de ce coup de force contre la hiérarchie des valeurs qui place le travail au-dessus de tout, c'est qu'il nous faut sacrifier à leur nouveau petit dieu. Et comme le jour consacré à Dieu est, dans nos sociétés aux racines indéracinablement chrétiennes, le dimanche, et bien il faut honorer ce petit dieu en travaillant ce jour-là,  même au prix de tous les contre-sens économiques.

    Ainsi :

    - Comment pourra-t-on se payer le dimanche ce qu'on a pas pu se payer les autres jours de la semaine ? En d'autres termes, le pouvoir d'achat ne va pas mécaniquement et comme par miracle s'allonger pour satisfaire à la  frénésie de consommation d'une journée supplémentaire (d'autant que les achats sur internet se font 24H/24...)

    - le travail du dimanche est profitable à quelques commerces précisément parce qu'ils ne sont que "quelques". Le moment où tous ouvriront le dimanche, la part du gâteau étant partagée entre un plus grand nombre, la chose sera évidement beaucoup moins  alléchante. Voire indigeste si l'on considère les frais supplémentaires qu'engendrent ce jour ouvré supplémentaire. Voilà un gâteau qui risque fort de rester sur l'estomac.

    - si l'on pousse la logique au bout et que tout le monde travaille le dimanche, qui à part les retraités et les nourrissons pour fréquenter tous ces commerces ? mais ces oisifs n'ont-ils pas tous les autres jours de la semaine de libre ?

    - pendant les Trente Glorieuses, le taux de croissance atteignait les 5%. Et pourtant on ne travaillait pas le dimanche. Etonnant non ?

    => le travail du dimanche n'a aucun sens économique. Sans compter le coût social d'une telle mesure, ce sera en définitive un appauvrissement plutôt qu'un enrichissement.

    Le visage cynique du capitalisme libertaire se dévoile enfin : "le travail du dimanche ne se fera que sur la base du volontariat." Qu'on m'explique quelle liberté quand votre concurrent ouvrira le dimanche ? Qu'on m'explique quelle  liberté pour le salarié quand son patron va lui annoncer que son affaire ouvrira le dimanche ?

    Un marché de dupes. voilà ce qu'est cette fumeuse idée du travail du dimanche.
    A ce titre, une fausse bonne idée libérale vaut sans doute autant qu'une fausse bonne idée socialiste : on  vous fait miroiter la cacahuète et on se retrouve à en machouiller les pelures .

  • De la raison et de Nietzschze

    L'infortuné Nietzsche était fâché avec la raison, et avec raison semble-t-il. Voici un exemple édifiant qui prouve qu'il eût raison de ne point trop s'y frotter (il s'y serait perdu) :

    "S'il y avait des dieux, comment supporterais-je de n'être pas Dieu ? Donc, il n'y a pas de dieux." (Ainsi parlait Zarathoustra - Aux îles fortunées).

    Comme si une  oie se disait :

    "S'il y avait des hommes, comment supporterais-je de n'être pas homme ? Donc, il n'y a pas d'hommes."

    On rétorquera qu'un homme peut raisonner, non une oie. Certes. Mais l'homme ne peut pas plus raisonner comme Dieu que l'oie comme un homme.

    Morale de cette histoire :
    Les oies font assurément moins de sottises qu'on n'en écrit avec leurs plumes. (Ceci assurément n'est pas de moi !)