Il est beaucoup question, avec la visite du pape à Chypre, de dialogue avec l'islam. Mais il n'y a pas de dialogue possible avec l'islam, même s'il est souhaitable et nécessaire avec l'Islam. Prenons la querelle byzantine du discours de Ratisbonne : cette citation de Manuel II Paléologue (1350-1425), l'empereur Byzantin, n'a toujours pas été digérée six siècles plus tard :
«Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu ne trouveras que des choses mauvaises et inhumaines, telles que son ordre de répandre par l'épée la foi qu'il prêchait.»
On a bien tort de se focaliser sur cette abrupte demande. Il serait beaucoup plus intéressant de s'interroger sur la façon dont ce savant perse lui a répondu.
Eh bien réjouissons-nous : si nous n'avons pas la réponse de ce savant perse, nous avons la lettre ouverte de trente-huit (cent ?) intellectuels musulmans * en réponse au discours de Ratisbonne, et, avec un peu de retard, au Paléologue.
A la question : "Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau", ces lettrés répondent : "rien", selon le dogme du Coran incréé, livre mère descendu sur les prophètes successifs (Noë, Abraham, Moïse, Jésus etc.), et que des impies juifs et chrétiens auraient sournoisement falsifié (thème du "tahrif" dans l'islam, à partir du X° siècle).
A quoi donc sert leur prophète, s'il n'annonce rien de nouveau que ce qui fut dit avant lui ? Ils répondront vraisemblablement : à rétablir le vrai Coran, unique, incréé et inimitable, contre le message truqué de la Torah et des évangiles. Voilà qui pose d'emblée de sérieuses limites au fameux dialogue.
A l'affirmation "tu ne trouveras que des choses mauvaises", ils répondent par un hadith, c'est-à-dire une loggia de leur prophète :
"Le Prophète Muhammad (ç.) a dit : « Aucun d’entre vous n’est croyant tant que vous n’aimerez pas pour votre frère ce que aimez pour vous-mêmes. » (Sahih Al-Bukhari, Kitab al-Iman, Hadith no.13)
Et aussi : « Aucun d’entre vous n’est croyant tant que vous n’aimerez pas pour votre prochain ce que vous aimez pour vous-mêmes. » (Sahih Muslim, Kitab al-Iman, 67-1, Hadith no.45).
Dont acte. L'islam préconise donc l'amour du prochain, même si en cherchant ce mot "amour" dans le Coran, les doigts d'une seule main seraient déjà de trop. Vrai : pourquoi citent-ils une Hadith ? Le Coran n'a-t-il rien à dire sur l'amour du prochain ? Ou serait-ce que le Coran n'aime que les soumis ?
Au juste, qu'entend leur prophète par "prochain" ? S'agit-il du frère [musulman], ou de l'humanité ?
S'il s'agit du frère, Jésus a déjà la réponse pour Mahomet :
Mt 5:46- "Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n'en font-il pas autant ?
- Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n'en font-ils pas autant ?"
A la question : "mais qui est mon prochain ?", Jésus répond par la parabole du bon Samaritain. Ton prochain, commande-t-il, c'est l'humanité tout entière. Tu as donc l'obligation d'aimer non seulement ton frère, mais ton ennemi : ton ennemi est ton frère."
Mt 5:43- " Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.
- Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes."
Or si Mahomet entendait "humanité" par frère, il avait une façon de l'aimer pour le moins curieuse, lui qui, selon la tradition, pillait et trucidait sans vergogne, en bon bédouin. Musulman, qui est ton prochain ? Si c'est l'humanité, pourquoi la persécutes-tu ?
Ces intellectuels disent encore : "ll est clair que les deux plus grands commandements représentent un terrain d’entente, ainsi qu’un lien entre le Coran, la Torah et le Nouveau Testament."
Non messieurs, c'est un terrain de discorde puisque vous dites péremtoirement : la Torah et l'Evangile, "ils" l'ont falsifiés et seul le Coran est intègre. Ainsi le prophète commande d'aimer son prochain (?) et le Coran de l'occire. En vérité, vous êtes des hypocrites de bonne volonté. Votre exégèse pour les insoumis n'est pas la même que celle du musulman : c'est une exégèse selon la technique de l'anaglyphe : un islam lu au travers d'un filtre rouge, pour les soumis, un autre lu au travers d'un filtre bleu, pour les insoumis.
L'islam n'apporte rien, il retranche. Il nous fait régresser en religion et en révélation jusqu'aux patriarches et leur loi du talion. Et lorsque ces intellectuels concluent avec aplomb :
"En tant que musulmans, et par obéissance au Coran, nous demandons aux chrétiens de s’accorder avec nous sur ce que nos deux religions ont essentiellement en commun : … à savoir de n’adorer que Dieu Seul, de ne rien Lui associer ** et de ne pas nous prendre les uns les autres pour des maîtres en-dehors de Dieu. (Aal ‘Imran, 3:64)."
- ils n'exigent rien moins des chrétiens qu'ils renoncent à Jésus Christ le Fils de Dieu, et qu'ils disent : "Il n'y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète."
Non possumus :
Votre dialogue, c'est notre soumission. Vous embrouillez par amalgames sémantiques : l'écorce des mots est la même, leur essence radicalement différente. Ainsi votre prochain n'est pas le prochain, votre Issa n'est pas Jésus, votre Evangile n'est pas l'Evangile et votre Dieu n'est pas davantage le Dieu des chrétiens.
* CW-Total-Final-French.pdf
** Dans le Coran les associateurs sont tour à tour les idolâtres (si tant est qu'il en existât encore du temps de Mahomet) et les chrétiens, ces derniers associant à Dieu son Fils et, apparemment, sa mère Marie (peut-être un avatar des conflits mariologiques des V° siècles - Marie Théotokos, Mère de Dieu ?)
cf Sourate 5 :
72. Ce sont, certes, des mécréants ceux qui disent : "En vérité, Dieu c'est le Messie, fils de Marie." Alors que le Messie a dit : "Ô enfants d'Israël, adorez Dieu, mon Seigneur et votre Seigneur". Quiconque associe à Dieu (d'autres divinités) Dieu lui interdit le Paradis; et son refuge sera le Feu. Et pour les injustes, pas de secoureurs !
73. Ce sont certes des mécréants, ceux qui disent : "En vérité, Dieu est le troisième de trois." Alors qu'il n'y a de divinité qu'Une Divinité Unique ! Et s'ils ne cessent de le dire, certes, un châtiment douloureux touchera les mécréants d'entre eux.
116. (Rappelle-leur) le moment où Dieu dira : "Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : "Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors de Dieu ?" Il dira : "Gloire et pureté à Toi ! Il ne m'appartient pas de déclarer ce que je n'ai pas le droit de dire ! Si je l'avais dit, Tu l'aurais su, certes. Tu sais ce qu'il y a en moi, et je ne sais pas ce qu'il y a en Toi. Tu es, en vérité, le grand connaisseur de tout ce qui est inconnu.
117. Je ne leur ai dit que ce Tu m'avais commandé, (à savoir) : "Adorez Dieu, mon Seigneur et votre Seigneur". Et je fus témoin contre eux aussi longtemps que je fus parmi eux. Puis quand Tu m'as rappelé, c'est Toi qui fus leur observateur attentif. Et Tu es témoin de toute chose. "