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  • Babel bug

    Cette note n'a absolument aucun intérêt ; ni plus ni moins que les autres en tous cas. Nous nous attardons en effet sur un évènement qui laisse de marbre le monde entier ou presque, et non sans raison.
    Il s'agit du bug de l'an 2010. Vous ne ne vous souvenez plus des descriptions apocalytpiques que nous firent alors les média pour le passage à l'an 2000 : en cause la programmation de la date dans les systèmes informatiques, qui, pour les plus anciens, se trouveraient pris dans une faille spatio-temporelle et retourneraient à l'année zéro de la création (1970). On rappela la vieille garde, celle qui, armée de son vieux Cobol, ne meurt jamais. Aucune catastrophe n'eut finalement jamais lieu, au grand désappointement des Raëliens et de Paco Rabanne.

    Passage à l'an 2000, zéro problème.
    Passage à l'an 2010 :
    - Allemagne : 30% des cartes de crédits bloquées par certains terminaux de paiements ou de retraits.
    - Australie : des terminaux de paiements refusent de valider les transactions.
    - Téléphones mobile : SMS datés de 2016.
    - Hôpitaux : certains appareils médicaux passent en 2016.
    etc.

    Presque le jugement dernier. Il semble donc que certains appareils se figurent être en 2016 : lorsqu'une carte de crédit indique une limite de validité inférieure à cette date, elle est donc "naturellement" rejetée.
    Il s'agit ici vraisemblablement d'un "malentendu" sur la façon d'interpréter le format de la date - de la même façon qu'un malentendu sur la façon d'interpréter des paramètres de la sonde Mars Climate Orbiter en 1999 résulta en crash de toute beauté: certaines données de navigation envoyées par la sonde étaient interprétées selon le système métrique, alors qu'il aurait fallu les traiter selon le système de mesure anglo-saxon . Pour les détails cf Wikipedia.

    Pour notre cas passionnant, le problème réside donc (à première vue) dans le codage de l'information "date" par certaines horloges : les systèmes informatiques (ordinateurs, terminaux de paiements etc.) utilisent ces horloges internes pour calculer la date et l'heure courante.
    Sur certains modèles d'horloge, la partie unitaire et décimale de l'année en cours est codée sur un octet (8 bits), mais de la façon suivante :
    Les quatre premiers bits concernent la partie décimale de l'année.
    Les quatre suivants concernent la partie unitaire de l'année.
    +> ainsi, pour l'année 2009, la partie 09 de l'année est codée comme suit :
    Quatre premiers bits : 0000 en binaire -> 0 en décimal
    Quatre suivants : 1001 en binaire -> 9 en décimal (pour la conversion : http://www.apprendre-en-ligne.net/crypto/images/bases.html)
    Pour info, ce type d'encodage est appelé BCD (binary coded digital).


    Mais pour les programmes qui ne savent pas qu'il faut lire l'octet non d'un bloc, mais 4 bits par 4 bits, le problème se pose quand on passe à l'an 2010 :
    Quatre premiers bits : 0001 en binaire -> 1 en décimal
    Quatre suivants : 0000 en binaire -> 0 en décimal
    Dans le format BCD, on sait que 1 concerne les années décimales, et 0 les unités => 10.
    Mais si on lit l'information d'un bloc, on obtient : 0001000 = 16 en décimal.  D'où au final un 2016 triomphant de toute la gloire de sa tyrannie usurpée.

    Voici une raison possible de ce petit foutoir. Tout ceci montre que notre édifice est somme toute très fragile, et que, se complexifiant, il devient de plus en plus vulnérable à ce genre de détails aux conséquences disproportionnées. Cela pourrait fort bien devenir une autre tour de Babel. Une autre victime à l'époque d'un petit problème de compréhension et de langage.

  • Bataille de chiffonniers (suite)

    Suite de la querelle, en version profane : l'avis de Shakespeare (1564-1616) sur façon de s'habiller de la jeunesse à son époque :

    Hamlet, IV,7 :
    Le roi :
    Depuis vos nombreuses pérégrinations, l'on parle de vous souvent,
    et ce, en présence d'Hamlet, pour un talent où, dit-on, vous brillez ;
    la somme de toutes vos qualités arracha de lui moins de jalousie que celle-là seule - à mon avis des moins estimables.

    Laërte :
    Et quelle est cette qualité, monseigneur ?

    Le roi :
    Un simple ruban au chapeau de la jeunesse,
    bien utile pourtant ; car une livrée frivole et négligée ne déteint pas moins sur la jeunesse qui la porte,
    que la zibeline et les étoffes sur la vieillesse, inspirant prospérité et gravité.

    A very riband in the cap of youth, 
    Yet needful too; for youth no less becomes 
    The light and careless livery that it wears 
     Than settled age his sables and his weeds, 
     Importing health and graveness.
     

    Ah, jeunesse débraillée ! Les pointes assassines de Shakespeare dans cette pièce contre les travers de son temps, valent au moins celles de Molière.

    Eh tiens, parlant de Molière : L'Avare, I,4 (1668)

    Cléante :
    Quelle grande dépense est-ce que je fais?

    Harpagon :
     Quelle? Est-il rien de plus scandaleux, que ce somptueux équipage que vous promenez par la ville? Je querellais hier votre sœur, mais c'est encore pis. Voilà qui crie vengeance au Ciel; et à vous prendre depuis les pieds jusqu'à la tête, il y aurait là de quoi faire une bonne constitution. Je vous l'ai dit vingt fois, mon fils, toutes vos manières me déplaisent fort; vous donnez furieusement dans le marquis; et pour aller ainsi vêtu, il faut bien que vous me dérobiez.

    Cléante :
    Hé comment vous dérober?

    Harpagon :
    Que sais-je? Où pouvez-vous donc prendre de quoi entretenir l'état que vous portez?

    Cléante :
     Moi? mon père: c'est que je joue; et comme je suis fort heureux, je mets sur moi tout l'argent que je gagne.

    Harpagon :
    C'est fort mal fait. Si vous êtes heureux au jeu, vous en devriez profiter, et mettre à honnête intérêt l'argent que vous gagnez, afin de le trouver un jour. Je voudrais bien savoir, sans parler du reste, à quoi servent tous ces rubans dont vous voilà lardé depuis les pieds jusqu'à la tête; et si une demi-douzaine d'aiguillettes ne suffit pas pour attacher un haut-de-chausses? Il est bien nécessaire d'employer de l'argent à des perruques, lorsque l'on peut porter des cheveux de son cru, qui ne coûtent rien. Je vais gager qu'en perruques et rubans, il y a du moins vingt pistoles; et vingt pistoles rapportent par année dix-huit livres six sols huit deniers, à ne les placer qu'au denier douze.

    Ah, jeunesse précieuse, jeunesse dispendieuse... Saura-t-elle jamais un jours s'habiller proprement aux yeux fatigués des vieux ?

  • Bataille de chiffonniers

    Intéressante est la lettre adressée par le pape Celestin aux évêques de Provence en 428. Elle blâme en termes énergiques l'usage introduit par des évêques issus du monastère de Lérins de porter une tenue ecclésiale, pour se différencier des fidèles :
    Celestin commandait dans cette lettre que le clergé se distinguât des fidèles par "la doctrine et non l'étoffe, la conduite et non le costume, les intentions pures et non la parure." (doctrina non veste, conversatione non habitu, mentis puritate non cultu)

    L'habit fit donc le moine, mais non le prêtre.

    Quatre siècles plus tard, sous les Carolingiens, les "Fausses Décrétales" enjoignent : "De même que les clercs doivent se distinguer par leur comportement, de même doivent-ils apparaître différents par leur tonsure et leur tenue vestimentaire." *

    Autre temps, autre moeurs...


    * cité par Louis Trichet in "Le costume du clergé. Ses origines et son évolution en France d'après les règlements de l'Eglise", edition du Cerf.

  • Cas de possessions

    Ce n'est pas nous qui possédons tel ou tel objet, ce sont le plus souvent les objets qui nous possèdent; en ce sens il ne faut pas se laisser abuser par la grammaire, car avec ce verbe faussement appelé auxiliaire, en réalité titulaire, l'objet est bien le sujet et le sujet, l'objet.
    La conjugaison est en revanche plus proche de la réalité, qui est commandée par l'objet. Le sujet ne commande rien, l'objet dicte tout.

    Ou bien c'est que, possédant, nous mettons de notre "moi" dans l'objet possédé, qui devient comme parti du moi, mais extérieur au moi. Il s'ensuit une extrême fragilité, puisque le moi se retrouve dispersé, fragmenté hors du moi - et donc une aggressivité plus grande pour protéger ce qui apparaît faible. Les objets nous possèdent donc par l'acte même de les posséder. Plus j'ai, plus épars mon être, moins je suis.

    Plus on possède, plus on risque de perdre, plus on se couvre de chaînes pour protéger ces possessions. Seuls ceux qui n'ont rien sont parfaitement libre. Eux, leur joug est léger, et leur fardeau, un baluchon de plumes.
    Pourtant, voici ce qu'écrit Dostoïevski dans "Souvenir de la Maison des Morts', qui raconte son expérience des goulags tsaristes : "Sans travail, sans loi, sans rien qui lui appartienne en propre, l'homme s'avilit, il redevient une bête."

    Cependant, l'homme possèdant, possède un besoin de posséder : c'est donc qu'anthropologiquement, il y a un manque qu'il doit combler - mais qu'il comble mal. Peut-être alors la question est : "que posséder, qui comble notre manque, mais qui ne nous couvre pas de chaînes ?".

    Bien tard je t'ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle,
    Bien tard je t'ai aimée !
    Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
    et c'est là que je te cherchais,
    et sur la grâce de ces choses que tu as faites,
    pauvre disgracié, je me ruais !
    Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi ;
    elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
    si elles n'existaient pas en toi, n'existeraient pas !

    Saint Augustin, Confessions X, 27, 38

    Ô douceur non décevante, ô douceur heureuse et sûre, qui rassemble les lambeaux epars de mon être déchiré et, en se détournant de toi, l'unité fondu dans le multiple.

  • L'éclairage

    Personne, absolument personne, ne pourra prétendre avoir perdu son temps à la lecture du (long) document suivant :

    http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/pcb_documents/rc_con_cfaith_doc_20020212_popolo-ebraico_fr.html

    "Il est clair qu'un rejet de l'Ancien Testament de la part des chrétiens, non seulement, comme on l'a indiqué ci-dessus, abolirait le christianisme lui-même, mais en outre ne pourrait pas favoriser la relation positive entre les chrétiens et les Juifs, car ils perdraient précisément le fondement commun."

    Joseph Cardinal Ratzinger, in Préface, LE PEUPLE JUIF ET SES SAINTES ÉCRITURES DANS LA BIBLE CHRÉTIENNE, de la Commission Pontificale Biblique.

    NDLR : se pose alors la question/le problème du Coran. Si l'Ancien Testament est le fondement commun des juifs et des chrétiens, l'islam quant à lui se retranche volontairement de cet héritage, en annonçant péremptoirement la supériorité irréfragable du Coran sur toutes ces écritures falsifiées. Nouveau Testament ? Falsifié. Ancien Testament ? Falsifié. Dès lors, à partir de ces assertions définitives, si nous voyons très clairement sur quelle base établir des relations entre chrétiens et juifs, nous voyons plus obscurément sur quelle base fonder des relations avec cette religion monothéiste. Est-ce que cela à même un sens, une pertinence autre que culturelle ?