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Aius Locutius - Page 32

  • Qu'est ce qu'une nation

    "Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. 

    La nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j'entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu'on a consentis, des maux qu'on a soufferts. On aime la maison qu'on a bâtie et qu'on transmet. Le chant spartiate : «Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes» est dans sa simplicité l'hymne abrégé de toute patrie. 

    Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. 

    L'existence d'une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie.

    Les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Mais telle n'est pas la loi du siècle où nous vivons. À l'heure présente, l'existence des nations est bonne, nécessaire même. Leur existence est la garantie de la liberté, qui serait perdue si le monde n'avait qu'une loi et qu'un maître. "
    Renan, Qu'est-ce qu'une nation ?

     

    Que penser donc de cet acharnement à effacer le passé, de sorte qu'il n'en reste plus rien de glorieux mais plus que de la mortification sans fin ? La taubiration des esprits ne détruira pas une nation plus sûrement. 

  • Regis.com

    Régis Debray, comme dirait ma mère à propos de BHL, dit parfois des choses intéressantes. Quelques extraits :

    C'est dans la Silicon Valley que les chamans prospèrent. L'archaïsme, c'est ce qui est non pas derrière, mais devant nous.

    En 2025, le PIB de la Chine sera supérieur à celui des États-Unis, le reste est pipeau. Le problème, c'est l'évanouissement de l'Europe comme alternative. Voyez l'obamania de nos provinces. Faire d'un patriote américain juste milieu un bon Européen de gauche relève d'une incroyable perte de sens historique. Et géographique. Nous n'avons même plus la force de produire nos propres champions. On s'enamoure en midinette. On dirait qu'en vieillissant l'Europe n'est plus que fleur bleue. Elle regarde l'Oncle d'Amérique en prince charmant, lequel regarde ailleurs, là où les choses se passent : Asie et Pacifique.

    Le handicap de la gauche, en matière d'art, c'est la morale. Le surmoi est assez peu créatif. La droite doit à un certain cynisme d'avoir les coudées franches. Il m'arrive d'avoir plus de plaisir à lire le Journal de Morand, politiquement immonde, que celui de Leiris, moralement impeccable.

    (...) c'est ce que j'appelle la gauche divine qui se croit sous garantie progressiste, autrement dit : demain sera mieux qu'aujourd'hui parce que nous irons plus vite, nous aurons plus de moyens technologiques. Cela se termine dans le bougisme, qui est une sorte de progressisme décapité ; tel un canard qui continue de marcher, on ne sait pas où on va mais on y va. Cela, je dirais que c'est le progrès zéro du progressisme dans lequel nous sommes aujourd'hui.

     
    Il me semble avoir lu dans un numéro du Point qui commence à dater, un aphorisme politique de Régis Debray qui m'avait semblé fort juste, ça disait globalement que le drame de la gauche, c'est qu'elle ne croit pas au péché originel ; et le drame de la droite, c'est qu'elle ne croit pas en la rédemption. 

     

  • La condition de l'homme moderne : vie publique, vie privée

     Pour Hannah Arendt, le moteur de l'action est in fine la quête d'immortalité. Face à l'éphémère de la vie individuelle, dévorée dans et par le cycle de la nature, laisser une trace qui demeure est une façon de conjurer le futile de sa condition. Par essence donc, l'action ou la geste ne peut se déployer que dans la sphère publique, puisqu'elles ont besoin de témoins. Avec Socrate d'abord, puis le Christianisme ensuite, la "vita contemplativa" (theôria) est  venue concurrencer la "vita activa" ; en quelque sorte l'éternel s'est substitué à l'immortel - mais toujours finalement en réaction contre ce qui passe, ne dure pas et s'efface.
    L'expression "vita activa" recouvre trois types d'activités : le travail, l'oeuvre, l'action. Le travail pallie les nécessités de la vie biologique. Il est essentiellement consommation, et est le pré-requis de l'action. L'oeuvre est, par sa permanence, ce qui permet à l'homme de situer dans le temps, lui fournit un monde ainsi que  les instruments de l'action.
    La première partie de son ouvrage va donc se consacrer à la "dialectique" domaine publi  / domaine privé, ou l'auteur va tâcher de montrer comment, à l'époque moderne, la vie sociale, avatar de la vie privée, a confisqué l'espace publique.

    "La distinction entre vie privée et vie publique correspond aux domaines familial et politique, entités distinctes, séparées au moins depuis l'avènement de la cité antique ; mais l'apparition du domaine social qui n'est, à proprement parler, ni privé ni public, est un phénomène relativement nouveau, dont l'origine a coïncidé avec la naissance des temps modernes.
    Ce qui nous intéresse ici, c'est l'extraordinaire difficulté qu'en raison de cette évolution nous avons à comprendre la division capitale entre domaine public et domaine privé, entre la sphère de la polis et celle du ménage, de la famille (...) : sur ces divisions, considérées comme des postulats, comme des axiomes, reposait toute la pensée politique des Anciens.

    (...) nous appelons "société" un ensemble de familles économiquement organisées en un fac-similé de famille supra-humaine , dont la forme politique d'organisation se nomme "nation". Nous avons donc du mal à nous rendre compte que pour les Anciens, le terme même d' "économie politique" eût été une contradiction dans les termes : tout ce qui était "économique" [oikia, la maison], était par définition non politique, affaire de famille.

    (...) La communauté naturelle du foyer naissait, par conséquent, de la nécessité. Le domaine de la polis au contraire, était celui de la liberté ; s'il y avait un rapport entre les deux domaines, il allait de soi que la famille devait assumer les nécessités de la vie comme condition de la liberté de la polis."

    (...) ce que tous les philosophes grecs tenaient pour évident, c'est que la liberté se situe exactement dans le domaine politique, que la contrainte est surtout un phénomène prépolitique, caractérisant l'organisation familiale privée [d'autrui], et que la force et la violence se justifient dans cette sphère comme étant les seuls moyens  de maîtriser la nécessité et de se libérer. (...) Cette liberté est la condition essentielle de ce que les Grecs appelaient bonheur, eudaimonia, et qui était un statut objectif dépendant avant tout de la richesse et de la santé.

    Le concept de domination et de sujétion, de gouvernement et d'autorité tels que nous les comprenons [cf Hobbes et le Leviathan], d'ordre aussi et de règlement, était senti comme prépolitique, relevant du domaine privé beaucoup plus que du domaine public. La polis se distinguait de la famille en ce qu'elle ne connaissait que des égaux, tandis que la famille était le siège de la plus rigoureuse inégalité.

    (...) L'idée que la politique n'est qu'une fonction de la société ; que l'action, le langage, la pensée sont principalement des superstructures de l'intérêt social (...) est un des axiome que Marx reçut des économistes politques de l'époque moderne. Cette fonctionnalisation empêche de percevoir aucune frontière bien nette entre les deux domaines. (...) Depuis l'accession de la société, autrement dit du ménage (oikia) ou des activités économiques, au domaine public, l'économie et tous les problèmes relevant jadis de la sphère familiale [ie les activités de la nécessité] sont devenus préoccupation "collective."

    [Sur la notion de bien commun au Moyen-Âge]
    Le concept de bien "commun" au Moyen-Âge, loin de dénoter l'existence d'un domaine politique, reconnaît simplement que les individus ont en commun des intérêt matériels et spirituels**. Ce qui distingue de la réalité moderne cette attitude essentiellement chrétienne, c'est moins la reconnaissance d'un "bien public" que l'exclusivisme du domaine privé, où les intérêts privés prennent une importance publique et que nous nommons "société."

    (...) Dans la pensée antique, tout tenait dans le caractère privatif du privé, comme l'indique le mot lui-même ; cela signifiait que l'on était littéralement privé de quelque chose, à savoir des facultés les plus hautes et les plus humaines. (...) Evènement historique décisif : on découvrit que le privé au sens moderne, dans sa fonction essentielle qui est d'abriter l'intimité [découvert par Rousseau et les romantiques à l'époque moderne], s'oppose non pas au politique [comme chez les Grecs] mais au social.

    (...) La coïncidence flagrante entre l'avènement de la société et le déclin de la famille indique clairement qu'en fait la cellule familiale s'est résorbée dans des groupements sociaux correspondants.

    (...) L'essentiel est que la société à tous les niveau exclut la possibilité de l'action [au sens d'exploit ou de geste en qq sorte], laquelle était jadis exclue du foyer. De chacun de ses membres, elle exige au contraire un certain comportement, qui toutes tendent à "normaliser" ses membres (...) à éliminer les gestes spontanés ou les exploits extraordinaires.

    (...) Cette égalité moderne, fondée sur le conformisme inhérent à la société et qui n'est possible que parce que le comportement a remplacé l'action comme mode primordial de relations humaines.***

    (...) La désagréble vérité, c'est que la victoire que le monde moderne a remporté sur la nécessité est due à l'émancipation du travail, c'est à dire au fait que l'animal laborans a eu le droit d'occuper le domaine public, et que cependant, tant qu'il en demeure propriétaire, il ne peut y avoir de vrai domaine public, mais seulement des activités privées étalées au grand jour. Le résultat est ce qu'on appelle par euphémisme culture de masse. (...) La poursuite universelle du bonheur et le malheur généralisé de notre société sont des signes très précis que nous avons commencé à vivre dans une société de travail qui n'a pas assez de travail pour être satisfaite. Car l'animal laborans, et non pas l'homme de métier, ni l'homme en action, est le seul qui ait jamais demandé à être heureux ou cru que les mortels peuvent être heureux.
    Un des signaux les plus visibles (...), c'est la mesure dans laquelle toute notre économie est devenue une économie de gaspillage dans laquelle il faut que les choses [qui pouvaient autrefois relever de la catégorie de l'oeuvre] soient dévorées ou jetées presque aussi vite qu'elles apparaissent dans le monde pour que le processus lui-même ne subisse pas un arrêt catastrophique. 

     

    Note : pour Aristote, l'homme est un animal politique (zôon politikon) ; pour le latin, il est un animal social (animal socialis cf Sénèque et Thomas d'Aquin : homo est naturaliter politicus, id est socialis). Hannah Arendt parle, au sujet de cette dérive sémantique, de substitution du social au politique.

    ** Hannah Arendt a une compréhension très restrictive du bien commun dans la doctrine catholique. Pour cette dernière, le terme "bien" est à prendre dans une acception disons transcendantale ; un bien à la manière platonnicienne. En ce sens l'expression n'est pas équivalente à intérêt commun ou général : un intérêt commun n'est pas forcément un bien. Par exemple la santé est un bien, et parce qu'elle concerne l'individu et la société, elle peut-être appelée un bien commun. En revanche, si une société décide que l'intérêt général commande la liquidation des vieux, des incurables et des malades mentaux, en aucun cela ne se peut se faire au nom du bien commun. 

    *** Cela explique peut-être le retour de bâton post-moderne : en réaction, l'on essaie de faire passer pour norme ce qui est anti-conformiste, qui devient une fin en soi. Cela s'appelle tomber de Charybde en Scylla.

  • De la li-quidité de la laïcité

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    L'Etat est soi-disant neutre vis-à-vis des religions. Ni pour ni contre (officiellement), bien au contraire. En revanche la laïcité ne dit rien des superstitions. Il s'en trouve justement une, fille naturelle de la superstition libéraliste, qui trouve toutes les faveurs de l'intellegentsia, de gauche donc (si tant est que celle de droite ait jamais existé par chez nous).

     

     

    Le socialisme est mort. Il pratique de fait le libéralisme comme tout le monde. Pour entretenir l'illusion, il fait aussi du sociétalisme, sans se rendre compte qu'elle est fille naturelle du libéralisme (dans la logique du libéralisme, tout se consomme). Incapable de ne rien faire d'original, le sociétaliste récupère la première idéologie prête à consommer de tête de gondole enrobée du nécessaire vernis de l'humanisme gentil, ne nécessitant qu'un cerveau végétatif pour être assimilée - à savoir la doctrine gay.

    Il n'y a pourtant pire ennemi du genre humain que cette doctrine. C'est pourtant à présent, de facto, doctrine d'Etat : critère, mesure de toutes lois, de tous formulaires administratifs, cette doctrine redéfinit non seulement le langage du bureaucrate, mais aussi le livre d'école et le dictionnaire. Tout est actuellement légiféré, pensé, exprimé en fonction d'elle. On a rarement vu doctrine d'Etat plus endoctrinante.

    Drôle de laïcité, qui rejette la religion pour se jetter comme mort de faim sur la superstition ; qui renvoie la religion dans la sphère intime, et expédie le sexe de la sphère intime dans l'espace publique avec la dernière obscénité. La laïcité n'est plus qu'un concept creux, un canard sans tête qui coure affolé en tous sens. Selon Hannah Arendt (Condition de l'homme moderne), le social aurait dévoré l'espace public qui n'existe plus de fait dans les sociétés de masse. Cela expliquerait l'embarras du pouvoir incapable de définir une ligne entre ce qui relève du privé et du public. Mais nous assistons à pire actuellement : le sociétal a dévoré le social. Le privé avait débordé dans le public ; l'intime à présent déborde le privé, et, par voie de conséquence, le public.

    Les benêts nous expliquent de leur sourire niais que c'est là le progrès.

  • La science stupide

    Voilà le type d'âneries "scientifiques" qu'on peut trouver sans honte ni pudeur : les néanderthaliens se sont éteints parce que leurs yeux plus grands monopolisaient plus de ressources cervicales... Cette étude a dû être sponsorisée par Carambar.

    "A study of Neanderthal skulls suggests that they became extinct because they had larger eyes than our species.

    As a result, more of their brains were devoted to seeing in the long, dark nights in Europe, at the expense of high-level processing. This ability enabled our species, Homo sapiens, to fashion warmer clothes and develop larger social networks, helping us to survive the ice age in Europe."