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  • Tout condamné à mort, etc.

     Nous sommes passés d'une morale culpabilisante à une morale de déculpabilisation tout aussi catastrophique. Là où il n'y avait pas culpabilité, l'on condamnait. A présent, là où il y a faute, on absout par déni de culpabilité - celle-ci étant au final plus condamnable que la faute elle-même.

    Il s'agit en fait de s'attaquer à l'un des attributs caractéristiques des derniers hommes : le sentiment de justice et son corollaire. Si la faute engendre la culpabilité, supprimons la culpabilité et ce sera la preuve qu'il n'y a point de faute.

    Le déni de culpabilité impose en réalité à l'homme le poids écrasant d'une charge parfois inhumaine. Au lieu de délier, elle recouvre une chaîne massive et pesante d'un voile pudique indigent. La raison de cette inefficacité est simple : supprimer le sentiment de culpabilité revient à supprimer en l'homme le sentiment de justice. C'est une pure lubie post-moderniste ; l'un des innombrables contes de fées que ce désastre écervelé aime tant se raconter à lui-même. Pour preuve : même la pire des crapules sait réclamer son dû. On ne peut nier ce sentiment de justice qui imprègne tant l'esprit humain - il serait tout aussi absurde de nier l'existence de son estomac ou de sa prostate.

    Bien de ces nouveaux médecins des âmes sont dans ce genre de dénégation. Autant leur rôle est utile lorsqu'ils libèrent d'une fausse culpabilité, autant ils sont néfastes et aggravent le mal lorsqu'ils persuadent d'une innocence falsifiée. Confondre les maux avec les symptômes, erreur funeste - mais c'est une grande tentation lorsqu'il semble qu'il n'existe point de remède. On préfère alors souvent le pire à l'impuissance.

    C'est l'une des inspirations les plus géniales de l'Église catholique. Là où l'homme s'enchaîne dans son injustice et semble impuissant à s'en libérer, où l'espérance semble alors se dessécher comme sur un sol devenu trop acide, l'Église seule sait réconcilier admirablement l'homme avec lui-même et sa propre justice. Il y  a un préalable son efficacité : la conversion, c'est-à-dire la reconnaissance de sa culpabilité. Il y a, avant la miséricorde divine réelle et efficace, nécessité pour l'homme de se rendre justice. Aussi, nous persuader de non-culpabilité quand nous sommes vraiment coupable, c'est ajouter le crime au crime ; condamner à perpétuité.
    Ce sacrement de réconciliation est vu par ceux qui ne savent pas comme une corvée de fardeau - qui s'ajoute à d'autres pesants. Mais il s'agit bien de l'inverse : ce sacrement nous débarasse d'un fardeau inhumain dont nous nous sommes chargé. C'est précisément parce que ce sacrement libère que tout complote à nous faire accroire l'inverse.

    Il serait vain de compter le nombre d'hommes ainsi enchaînés, l'espérance toute éteinte, que l'Eglise a délié et rendu à la vie.

  • L'athée, son discours et ses pinceaux

    Il est inutile de se lancer dans de grandes fresques apologétiques pour contrer le verbe des athées militants. Il suffit, comme avec les sots, de les laisser barboter dans le jus de leur discours.

    Ainsi lors d'un débat entre Tony Blair et Christopher Hitchens, ce dernier nous explique la religion (laquelle au juste ?) avec des arguments plutôt habiles : "And over us to supervise this is installed a celestial dictatorship. A kind of divine North Korea." On pourrait traduire ainsi : "Et au dessus de nous, pour superviser tout ceci [la création et le plan de Dieu], se trouve une dictature céleste. Une sorte de Corée du Nord divine."

    Appeler ainsi à la barre la dictature la plus athée du monde pour accuser la religion (mais laquelle bon sang ?), voilà qui pose un gros problème à la charité chrétienne ; on ne tire pas sur l'ambulance, c'est dans le décalogue au onzième article. Si donc à présent les athées posent d'un coup leurs arguments très théoriques, et leur réfutation des plus pratiques, ils font là preuve d'une charité qui ne figure même pas dans l'enseignement du Christ. Cela seul ferait vaciller notre foi !

    Puisque ceci est absolument énorme d'ânerie, la seule solution intellectuellement acceptable est que les athées de notre temps ne sont point de la race des Celse et autres polémistes des premiers siècles, mais bien les apologistes les plus doués de l'histoire du christianisme. Hitchens, vous êtes sans doute un don du ciel, en tout cas le meilleur avocat de Dieu - nous ne voyons pas d'autres explications.

    Ce genre d'individu est pour nous chrétiens, finalement très reposant. Et le XX° ayant définitivement consacré l'athéisme militant comme plus grande catastrophe humaine de tous les temps, le débat s'est clôt pour ainsi dire par les oeuvres. Ca n'est même plus une question de foi.

  • Dieu reconnaîtra les saints

    Martyre_de_St_Matthieu__Eglise_St_Louis_des_francais__Rome_Caravaggio.jpg On voit fleurir ces temps-ci sur quelques dépêches et notes de blogs, des demandes pour que soient canonisés incessamment les victimes de l'attentat anti-chrétien de la cathédrale Sayidat al-Najat de Bagdad. Ce genre de revendication semble très imprudent - et elle ne sera d'ailleurs pas exaucée, pour les raisons suivantes que tout le monde entendra : 

    Être victime ne fait pas de vous un innocent par ailleurs, ni a fortiori un martyr et saint, combien même vous succombez en tant que chrétien et dans une église. Cela fait de vous une victime chrétienne, victime dans une église, et cela est déjà bien tragique.

    La victime n'est pas essentiellement un être bon et pur, ni ne le devient par la simple grâce du statut de victime. Elle est simplement une victime dans une circonstance donnée. Nous voyons des personnes, qui, du statut de victimes, passent sans état d'âme au statut de criminels. Si nous n'en voyons pas, nous pouvons très facilement l'imaginer - l'histoire est remplie de ces sinistres renversements ou la victime devient bourreau. Il faut donc être autre chose que simplement victime pour prétendre à la sainteté, combien même on est victime dans un lieu saint. Ou alors il faut aussi canoniser les victimes de la tour de Siloé.

    Qui peut dire en outre qu'à la messe ne viennent que des gens aux vertus héroïques ? Mais c'est exactement l'inverse : y viennent les éclopés, les malades ayant besoin du médecin.  Un messalisant serait-il par essence pur comme une colombe ? N'y trouve-t-on jamais d'escrocs ou de criminels ? Allons-donc !  Qu'une personne soit sainte non par ses propres bonnes actions, mais par la seule vertu d'une mauvaise action d'autrui, voilà qui serait extraordinaire. Si la sainteté est une affaire sérieuse, cela est rigoureusement impossible. Le mauvais gérant est loué pour son habileté, non pour son état d'escroc ; une personne est canonisée pour son exemplarité, non par son état de victime.
    L'Église ne prendra donc certes pas le risque de canoniser une personne dont la vie n'aura pas été exemplaire, d'une manière ou d'une autre. Or la tragédie de Bagdad ne fait partie que des aléas de la vie, qui peuvent être brutaux. Si donc il doit y avoir des saints parmi les victimes, et peut-être y en a-t-il après tout, cela sera après une enquête minutieuse de discernement, dans l'absolu respect des formes.

    Finalement le martyr meurt en martyre, en témoin de sa foi. Ainsi, lorsque lui est donné le choix entre le reniement de sa foi et le supplice, il choisit de témoigner.* N'est-ce pas précisémment ce que nous rappelle le film "Des hommes et des dieux" ? Être victime ne demande aucune vertu, ni aucun courage. Dans le cas de cette fusillade, il n'est pas évident que la victime ait eu la possibilité de témoigner de sa foi. Qui peut assurer qu'elle l'aurait fait par ailleurs ? sonder les reins et les coeurs est une prérogative divine.

    Parce qu'une victime n'est pas innocente par essence, parce que la sainteté se juge sur des actes et non des produits de circonstances hasardeuses, y compris pour ce qui concerne le martyre tel que l'entend l'Eglise catholique, il n'est pas possible de canoniser immédiatement, sans enquête et sans discernement, les victimes de cette tragédie. Le dire n'est insulter le malheur de personne, c'est tenir un langage de prudence.

    Il n’y a pas de sainteté sans renoncement et sans combat spirituel (cf. 2 Tm 4). CEC art 2015 - Et Dieu reconnaîtra les saints, de toute façon.

    Note :
    * Il y a sans doute d'autres circonstances qui font de vous un martyr ; il ne me semble pas qu'il ne fût jamais qu'un fruit du hasard.

  • Principes de magistère

    Extraits du dernier livre du pape Benoît XVI ; espérant que quelques journalistes le liront attentivement, se familiarisant ainsi avec la pensée de l'Eglise :

    "Les statistiques ne sont pas un critère de moralité suffisant." (ce n'est d'ailleurs pas un critère tout court - Socrate fut condamné très démocratiquement).

    "Nous ne devons pas considérer notre incapacité à vivre selon des standards moraux élevés comme une  objection en soi à la vérité [sur laquelle se fonde ces standards]."

  • Les marécages

    marecage.jpg Le problème des mass-media est celui de l'alliance de la médiocrité et du pouvoir ; en cela il est structurellement identique à tout pouvoir confié puis exercé par le médiocre. Il est donc tout à fait vain d'espérer être agréablement surpris de ce côté là.

     Eh bien pas tout à fait. Cet article de la BBC sur les récents propos du pape concernant le préservatif (probablement le seul sujet intellectuellement à la portée d'un journaliste... non, finalement même pas) : analyse assez fine et perspicace : il est vrai que son auteur ne pige pas à la BBC, mais est reporter au National Catholic. Notons aussi que l'article n'est resté sur une page visible du site que quelques heures. Il ne faudrait pas que la BBC donne une impression trop durable de sérieux dans le traitement des questions religieuses.  L'ethique est contagieuse, peut-être journalistiquement transmissible, préservons-en nous.

    Le journaliste John Allen commence ainsi : "Le discernement prudent est la marque de fabrique du raisonnement en morale catholique, ce qui est peu vendeur dans un monde qui n'a que peu de patience pour la subtilité."
    Le reste de l'article explique ensuite très bien pourquoi certains media (dont la BBC), triomphant d'une révolution sexuelle au Vatican, prennent seulement leur désir pour la réalité. Et aussi pourquoi ce scoop n'en est en absolument pas un dans le fond. Accordons leur la forme.

    Cette exception exceptée, la question se pose : est-ce que véritablement le journaliste du media de masse n'est jamais à la hauteur intellectuellement, ou est-ce que ses intentions sont à ce point méphitiques que sciemment il sème l'erreur et le trouble dans l'esprit de ses lecteurs, au mépris d'une criante vérité ? Est-il seulement humainement possible que ce fût les deux ?