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  • De la semaine 26, et de toutes les autres.

    Rubrique marrons-nous un peu - en ces temps de crise où les Français en sont réduits à acheter des bagnoles et partir en vacance pour ne pas déprimer.

    Voici la définition de Wikipedia concernant la "semaine 26" :

    Semaine 26 :
    La semaine 26 est, d'après la norme ISO 8601, la vingt-sixième semaine de l'année contenant un jeudi [quoiquoiquoi ? Il y aurait des semaines sans jeudi et je ne suis pas courant ?]
    Dès lors, une semaine débutant un lundi et s'achevant un dimanche, c'est également la vingt-sixième à placer une majorité de ses sept jours dans l'année en question [très jolie perf en effet], soit précisément au moins quatre [pas mieux].
    Ce faisant, elle suit la semaine 25 et précède la semaine 27 de la même année [magnifique, de la pure poésie, j'en suis tout retourné !].

    Je me demande si la norme ISO 8601, stipulant l'intégration d'un jeudi dans la semaine 26, n'est pas l'oeuvre de quelque fonctionnaire zélé de quelque administration européenne (en fait non, mais ça fait beaucoup de bien de le penser.)

     

  • De Leibniz et du principe d'anthropique

    Très intriguant ce principe d'anthropique. Voici ce qu'écrit George V. Coyne, directeur de l'Observatoire astronomique du Vatican :

    "Parmi toutes les constantes de l'univers, par exemple la vitesse d'expension de l'univers, la masse et la charge de l'electron par rapport à celle du proton, la constante de gravité etc., la valeur empiriquement relevée est si précise que, si elle avait été seulement légèrement différente (en général d'un millionième), il aurait été impossible aux êtres humains d'apparaître." (Le rôle de la philosophie et de la théologie en cosmologie)

    Vraiment : pourquoi il y a-t-il quelque chose plutôt rien ?

    C'est d'un énervant ! Notons que le critère de simplicité ou d'économie, cher à Ockham, voudrait qu'il n'y eut rien. Cela serait en effet beaucoup plus simple et beaucoup plus raisonnable.

    Notons aussi que le modèle "rien" rend caduque au moins quatre des cinq critères du modèle vrai :

    - critère de vérifiabilité : non appliquable : s'il n'y a rien, il n'y a rien à vérifier.

    - critère de prédictabilité : non appliquable : il n'y a rien, donc rien à prévoir, d'autant que le temps n'existe pas. On peut retourner l'argument en affirmant que tout est absolument prédictible, puisqu'on sait que du rien ne procédera jamais rien d'autre que du rien.

    - simplicité ou économie : pas photo.

    - puissance unificatrice : non appliquable : il n'y a rien, donc aucune diversité. Il n'y a rien à unir non plus.

    - beauté, qualité esthétique : ici il ne s'agit pas de discuter de la beauté ou de l'esthétique du néant, mais du modèle "néant". Je laisse juge.

     Nous savons évidemment que ce modèle "rien" est utopique puisque nous sommes. Cela laisse deux autres modèles :

    - le modèle hasard.

    - le modèle "Dieu".

    Le modèle hasard, modèle in-scientifique par excellence, ne remplit aucun des cinq critères. De fait, si hasard, alors pas de science, ce qui n'est pas ce que nous éprouvons.

    - Le modèle "Dieu" n'est pas vérifiable, sauf à prendre congé de notre univers physique. Il est peut-être expérimentable, à un niveau individuel, mais dans ce cas il me parait que ce qui a été vérifié individuellement est intransmissible, donc non vérifiable par ceux qui n'ont pas eu accès à l'expérience. Et comme cette expérience n'est ni d'une nécessité qui précède, ni à l'initiative seule de l'homme, elle est évidemment inreproduisible. 
    - Est-il prédictible ? Impénétrable dit-on parfois. En revanche, si Dieu existe, donc l'univers est créé - or l'univers est prédictible, car régit par des lois, c'est ce que nous expérimentons. Donc la création de Dieu est prédictible, elle, ce qui permet à la science d'exister, à la raison de s'exercer, à la liberté de s'exprimer.
    - Si Dieu existe, son être se confond avec son essence, et son essence ne peut qu'être simple, car si son essence est composée, alors nécessairement il existe plusieurs substances qui le précèdent, et ce que nous appelons Dieu n'est pas Dieu. On n'est pas plus simple que Dieu. Le modèle Dieu est donc simple en soi et par soi. Simplissime (trop sans doute, pour des êtres complexes comme l'homme).
    - Puissance unificatrice : je crois que la démonstration est ici inutile. Un seul Dieu à l'origine de tout.
    - Beauté, qualité esthétique : je laisse juge. On dit que le beau tourne et porte l'âme de l'homme vers Dieu. Peut-être l'interstice abyssal laissé par Dieu entre son index et celui de l'homme lors de la Création.

  • Des choses qui ne durent pas

    Un homme politique américain disait : "Things that cannot last, don't." Ou :  "Les choses qui ne peuvent pas durer - ne durent pas."
    D'un bon sens positivement navrant, n'est-il pas ?

    Et pourtant : si tous les axiomes philosophiques ou économiques avaient été passés au crible de cette sentence, il est probable que bien des naufrages nous eussent été épargnés.

    Chaque modèle en effet s'écroule par la logique même qui s'en induit, car l'homme ne sait pas faire autrement que :
    1) poser un modèle qui ne donne qu'une vue partielle de son objet.
    2) pousser la logique induite de ce modèle à l'extrême.

    Il est impossible pour l'homme de proposer un modèle qui épouse exactement la réalité de son objet. C'est tout simplement au-dessus de ses forces, tant qu'il n'aura pas la connaissance absolue de l'objet. Ainsi des diverses idéologies qui traversèrent le XIX° : toutes ne proposèrent au mieux qu'une vision partielle de l'homme. Aucune ne fut capable d'en donner une vision intégrale (sinon il est très probable qu'on ne les confondît avec le christianisme).

    Au début la logique, balbutiante, encore en proie à des forces inertielles, s'écarte peu de la réalité de son objet. Il y a donc toujours moyen de faire illusion qu'elle est dans le vrai, car l'erreur n'a pas de conséquences flagrantes. Ainsi encouragé, un rapport de force favorable à l'extrême et contraire à la modération pousse irresistiblement cette logique à aller au bout d'elle-même. Pour finir la logique se nourrit d'elle-même dans une sorte de boulimie : c'est le syndrome de la purge (on ne pratique pas suffisamment la purge, voilà pourquoi le patient se meurt ; plus de purges !) L'écart avec le réel se creusant, les conséquences se font de plus en plus néfastes : impossible de mentir avec le réel - tout au plus peut-on se mentir. Le symptôme de ces excès se nomme "crise". La crise est une correction du réel.

    Cela ne signifie pas que tous les modèles se valent. Certains modèles sont plus proches du réel de leur objet que d'autres : ceux-là dureront plus longtemps - c'est à dire qu'ils mettront plus de temps à s'écarter significativement du réel pour atteindre leur point de crise.

    Marxisme, libéralisme, nazisme, tous, par le modèle incomplet (voire carrément erroné) qu'ils font de l'homme, proposent une logique systémique non-viable - c'est à dire une logique qui, poussée à son extrême, la conduit en définitive à sa propre ruine - et celle de l'homme.

    Tous ce qui ne peut pas durer, ne dure pas.

  • De la tolérance

    Voici un édit de tolérance voltairien (Extraits du "Traité sur la tolérance", 1763) :

    CHAPITRE XII : Si l’intolérance fut de droit divin dans le judaïsme, et si elle fut toujours mise en pratique.

    On ne trouve, dans toute l’histoire de ce peuple [juif], aucun trait de générosité, de magnanimité, de bienfaisance; mais il s’échappe toujours, dans le nuage de cette barbarie si longue et si affreuse, des rayons d’une tolérance universelle.

    CHAPITRE XVIII : Seuls cas où l’intolérance est de droit humain.

    Les Juifs sembleraient avoir plus de droit que personne de nous voler et de nous tuer: car bien qu’il y ait cent exemples de tolérance dans l’Ancien Testament, cependant il y a aussi quelques exemples et quelques lois de rigueur. Dieu leur a ordonné quelquefois de tuer les idolâtres, et de ne réserver que les filles nubiles ; ils nous regardent comme idolâtres, et, quoique nous les tolérions aujourd’hui, ils pourraient bien, s’ils étaient les maîtres, ne laisser au monde que nos filles. 
    Ils seraient surtout dans l’obligation indispensable d’assassiner tous les Turcs, cela va sans difficulté: car les Turcs possèdent le pays des Éthéens, des Jébuséens, des Amorrhéens, Jersénéens, Hévéens, Aracéens, Cinéens, Hamatéens, Samaréens: tous ces peuples furent dévoués à l’anathème; leur pays, qui était de plus de vingt-cinq lieues de long, fut donné aux Juifs par plusieurs pactes consécutifs; ils doivent rentrer dans leur bien; les mahométans en sont les usurpateurs depuis plus de mille ans.

    Si les Juifs raisonnaient ainsi aujourd’hui, il est clair qu’il n’y aurait d’autre réponse à leur faire que de les mettre aux galères. 
    Ce sont à peu près les seuls cas où l’intolérance paraît raisonnable. 

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    A peu près à la même époque (1759), le cardinal Lorenzo Ganganelli, le futur pape Clément XIV, écrivit un  rapport sur les accusations contre les Juifs de meurtres rituels. Ce rapport faisait suite à une réclamation des Juifs de Pologne qui subirent des pogroms sur le prétexte de ces accusations. Leurs doléances furent transmises à la Congrégation du Saint-Office (l'Inquisition romaine), qui chargea donc le cardinal de rédiger un rapport.
    Voici ce qu'écrivit Cécil Roth, qui édita ce rapport dans les années 1930 (The Woburn Press, London), dans la préface :

    "Avant de formuler ses conclusions, Ganganelli suggéra de demander au nonce pontifical de Pologne, Visconti, d'obtenir des dignitaires ecclésiastiques locaux des rapports détaillés sur les récents événements. Quand les informations demandées lui parvinrent, il se mit au travail, et en temps voulu produisit l'un des documents le plus remarquable, le plus humaniste et le plus tolérant de l'histoire de l'Eglise catholique - un document par lequel sa mémoire sera toujours chérie par le peuple juif en gratitude et affection.
    (...) Ce document est tout empreint d'un humour subtile : la démolition de certains arguments avancés pour soutenir l'accusation [de meurtre rituel]  est un pur modèle de saracasme ecclésiastique."

    Qu'on lise ce rapport.
    Qu'on fasse ensuite la comparaison avec les écrits inspirés du sieur tolérant Voltaire sur les Juifs.
    Qu'on se persuade ensuite de qui est tolérant, qui est raisonnable.