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Philosophie - Page 4

  • La science façon suppositoire

    "Quand la foi disparaît, la rationalité accrue du monde n'est qu'une apparence. En réalité, ce sont alors les forces du hasard qu'il faut reconnaître, et elle ne peuvent être déterminées. La "théorie du chaos" vient se greffer sur la connaissance de la structure rationelle du monde et place l'homme devant des obscurités qu'il ne peut dissiper et qui assignent ses limites au côté rationel du monde."

    Benoît XVI, Jésus de Nazareth, 1ère partie

     

    Il faut sans doute rendre justice à cette théorie du chaos, c'est à dire à la compréhension statistique d'un phénomène dont on ne maîtrise pas les causes : il s'agit d'un pis-aller scientifique en l'état de nos inconnaissances. Mais il est évident que cette théorie ne peut être que provisoire et non un aboutissement. Elle pallie l'insuffisance de nos connaissances, le fait que de multiples paramètres sont pour l'observateur des inconnues au minimum inquantifiables - pour le moment. Mais reconnaissons que cette théorie est la plus a-scientifique qu'il soit ; qu'elle ne répond à pratiquement aucun critère de ce qu'une saine philosophie de la science peut dire sur la science.

    Si, par dogmatisme athée, on s'en tenait à ce paradigme, il est certain que ce serait là une agression envers la science elle-même, et le prélude à une régression certaine. Or, certains propagateurs du néant tentent de forcer ce paradigme du hasard (resuçée d'un épicurisme étroit), comme on force un suppositoire à entrer dans un orifice anatomique prévu pour l'exact sens inverse. C'est là faire violence.

  • Laid d'honneur

    john-isaacs_matrix-of-amnesia.jpg Dostoïevski martèle dans son oeuvre : "C'est la beauté qui sauvera le monde", parole d'idiot. Il est en conséquence inquiétant de voir comment le beau fut expulsé, par coups d'état successifs, du domaine où il s'épanouissait le mieux. L'art contemporain est un sans-culotte ; de cette piétaille médiocre qui se revêt des frusques de son pillage, pour jouer au petit marquis en se pavanant comme un coq. Je suis médiocre, sans génie, sans talent, mais je sais habiller tout mon néant des mots les plus prétentieux. Je suis un imposteur ; je ne sais qu'imiter un vague langage pédant et creux ; comme si un perroquet recrachant des lignes de Kant pouvait se prétendre philosophe.

    Et bien voilà : il y a autant entre l'art et les dits artistes contemporains qu'entre le perroquet et la philosophie. Une imposture à l'image de toutes les impostures que proposent ces derniers siècles : impostures économiques, sociales, anthropologiques - tout est imposture, habillage verbal de néant.

    L'homme s'émerveille face au beau, mais est fasciné par le laid (c'est-à-dire, la corruption des formes et des couleurs). Il se fascine devant un cadavre en putréfaction, mais s'émerveille devant les oeuvres de Michel-Ange. Il en a toujours été ; ce qui change, c'est le langage : on appelle à présent beau (quand on ose ce terme) ce qui est laid, et laid  ce qui est beau, comme si le langage savait conférer une essence aux choses. Cela n'est qu'une prétention de créature qui se prend pour le Créateur ; ce n'est que l'expression, au fond, de l'éternel frustration de l'être conscient de sa finitude.

    Il n'y a quasiment plus d'éducation au beau : le beau a été jugé par la bourgeoisie aussi obscène que la morale (incluons dans cette bourgeoisie tous ces bourgeois refoulés qui parlent au nom du peuple). Mais le beau est autant ancré dans les gènes de l'homme que la morale : si l'homme moderne n'a plus les moyens d'exprimer ni le beau, ni la morale, du moins en garde-t-il une intuition au plus profond de lui.

    Comment expliquer les vagues de millions de touristes qui déferlent sur cette vieille Europe ? Viennent-ils pour s'extasier devant les oeuvres du XX° ? En vérité ils viennent pour le parthénon, les cathédrales et la chapelle Sixtine. Quant aux autres millions qui vont aux US, ils y vont pour faire du shopping.

    Si la beauté doit sauver le monde, il n'est dès lors pas étonnant de la voir traquée dans tous les recoins. C'est là assurément la marque de fabrique de la pseudo-modernité et de sa culture de mort.

  • Le vrai scandale ou la grande illusion

    billet-dollar-300x225.jpg Une bulle spéculative nait lorsque son objet n'est plus alimenté que par lui-même, se coupant par là de toute attache à la réalité :  "Once trade trade on itself, it becomes entirely abstracted from the real economy" *.

    Il en va de même avec le plus formidable attrape-couillon mis en scène par le matérialisme consumériste : la très fameuse "magie" de Noël. Voilà sans doute le plus grand escamotage dont le Christianisme est actuellement témoin. Il s'agit, très simplement, dans le désert spirituel nécessaire à la bonne marche des affaires, d'escamoter un mystère par de la magie. Et là où le mystère vécu suffit à combler l'homme, la magie quant à elle ne sait que  prévenir le manque ontologique par l'artifice d'une possession matérielle. Ceci est  excellent pour le business, mais ne donne que l'apparence de combler.

    Le troupeau donne bien volontier dans le panneau, par une sorte de processus auto-persuasif : le cerveau et la volonté ramollis par le discours de l'individu-roi, du culte de la gloutonnerie et de la flatterie des sens, l'on est que trop heureux d'écouter et de se persuader de grands discours : "vous avez besoin de spirituel, pas de souci, on vous le vend en grande surface". Le marché dicte alors : "il faut la magie de Noël" ; le balourd obtempère. On l'illusionne, et il se laisse illusionner, de façon perfide, par le plus innocent.

    Car le marché rebaptise ainsi Noël "fête des enfants". L'enfant est en effet plus que réceptif à la "magie" de Noël, grossière tringlerie de pompe à fric. Celui-ci s'illusionne en premier, les yeux écarquillés devant ce qu'il ne voit pas être une mesquine poudre aux yeux. Cette illusion cautionne en retour, vis-à-vis des parents écervelés, la réalité de la magie de Noël - et voici les parents contaminés qui eux-même s'illusionnent à propos de l'illusion de leurs enfants, et de la machine à illusion elle-même. D'autant qu'ils sont persuadés pouvoir acheter la joie de leur enfant au supermarché : une guirlande de bonheur qui scintille dans les yeux des chérubins, on est prêt à mettre un paquet de pognon pour ça. Même si ça ne dure qu'un temps.

    Voilà comment se crée cette bulle des illusions, où l'illusion vorace finit par s'alimenter d'elle-même.

    Si on récapitule :
    - 1) L'homme a un besoin ontologique spirituel.
    - 2) Le marché ne sait que vendre par flatterie et tentation du matériel ou du sensoriel : il va donc vendre de la magie.
    - 3) Il persuade l'homme qu'il est plus avantageux et facile de croire en la magie qu'au mystère, et qu'il est à même de répondre à son besoin. En échange d'une modique somme.
    - 4) Dans ce cadre le message est martelé que Noël est la fête des enfants - par ailleurs incapables de cerner le réel de l'irréel. Ils sont de fait les premiers à se persuader de la mise en scène de cette piteuse magie.
    - 5) Les parents habitués à n'être plus que consommateurs adhèrent à ce projet et s'illusionnent par contamination, enchantés des effets de l'illusion ainsi produite sur leurs enfants. Ils deviennent agent gracieux de la mise en scène, et clients précieux de la vaste kermesse.
    - 6) Proies ferrées : les parents n'ont plus qu'une crainte : que l'illusion de son rejeton s'évanouisse, et par entraînement la leur propre. Les deux illusions se soutiennent donc par solidarité et s'alimentent d'elles-mêmes par gloutonnerie.
    Cette structure est valable pour tous les mensonges.

    Doit-on rappeler que le Christ est né, à vécu, et est mort pour l'humanité - gratuitement ? Que certains chrétiens ne voient aucun inconvénient à la commercialisation de la fête de la naissance du Christ, voilà la seule vraie magie dans cette histoire.

    Note :
    * Phillip Blond, Red Tory p46

  • Tout condamné à mort, etc.

     Nous sommes passés d'une morale culpabilisante à une morale de déculpabilisation tout aussi catastrophique. Là où il n'y avait pas culpabilité, l'on condamnait. A présent, là où il y a faute, on absout par déni de culpabilité - celle-ci étant au final plus condamnable que la faute elle-même.

    Il s'agit en fait de s'attaquer à l'un des attributs caractéristiques des derniers hommes : le sentiment de justice et son corollaire. Si la faute engendre la culpabilité, supprimons la culpabilité et ce sera la preuve qu'il n'y a point de faute.

    Le déni de culpabilité impose en réalité à l'homme le poids écrasant d'une charge parfois inhumaine. Au lieu de délier, elle recouvre une chaîne massive et pesante d'un voile pudique indigent. La raison de cette inefficacité est simple : supprimer le sentiment de culpabilité revient à supprimer en l'homme le sentiment de justice. C'est une pure lubie post-moderniste ; l'un des innombrables contes de fées que ce désastre écervelé aime tant se raconter à lui-même. Pour preuve : même la pire des crapules sait réclamer son dû. On ne peut nier ce sentiment de justice qui imprègne tant l'esprit humain - il serait tout aussi absurde de nier l'existence de son estomac ou de sa prostate.

    Bien de ces nouveaux médecins des âmes sont dans ce genre de dénégation. Autant leur rôle est utile lorsqu'ils libèrent d'une fausse culpabilité, autant ils sont néfastes et aggravent le mal lorsqu'ils persuadent d'une innocence falsifiée. Confondre les maux avec les symptômes, erreur funeste - mais c'est une grande tentation lorsqu'il semble qu'il n'existe point de remède. On préfère alors souvent le pire à l'impuissance.

    C'est l'une des inspirations les plus géniales de l'Église catholique. Là où l'homme s'enchaîne dans son injustice et semble impuissant à s'en libérer, où l'espérance semble alors se dessécher comme sur un sol devenu trop acide, l'Église seule sait réconcilier admirablement l'homme avec lui-même et sa propre justice. Il y  a un préalable son efficacité : la conversion, c'est-à-dire la reconnaissance de sa culpabilité. Il y a, avant la miséricorde divine réelle et efficace, nécessité pour l'homme de se rendre justice. Aussi, nous persuader de non-culpabilité quand nous sommes vraiment coupable, c'est ajouter le crime au crime ; condamner à perpétuité.
    Ce sacrement de réconciliation est vu par ceux qui ne savent pas comme une corvée de fardeau - qui s'ajoute à d'autres pesants. Mais il s'agit bien de l'inverse : ce sacrement nous débarasse d'un fardeau inhumain dont nous nous sommes chargé. C'est précisément parce que ce sacrement libère que tout complote à nous faire accroire l'inverse.

    Il serait vain de compter le nombre d'hommes ainsi enchaînés, l'espérance toute éteinte, que l'Eglise a délié et rendu à la vie.

  • Le testament d'un égaré

    rousseau.jpg"Fuyez ceux qui, sous prétexte d'expliquer la nature, sèment dans les coeurs des hommes de désolantes doctrines, et dont le scepticisme apparent est cent fois plus affirmatif et plus dogmatique que le ton décidé de leurs adversaires.  Sous le hautain prétexte qu'eux seuls sont éclairés, vrais, de bonne foi, ils nous soumettent impérieusement à leurs décisions  tranchantes, et prétendent nous donner pour les vrais principes des choses, les inintelligibles systèmes qu'ils ont bâtis dans leur imagination. Du reste, renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent, ils ôtent aux affligés la dernière consolation de leur misère, aux puissants et aux riches le seul frein de leurs passions ; ils arrachent du fond des coeurs le remords du crime, l'espoir de la vertu, et se vantent encore d'être les bienfaiteurs du genre humain. Jamais, disent-ils, la vérité n'est nuisible aux hommes. Je le crois comme eux, et c'est, à mon avis, une grande preuve que ce qu'ils enseignent n'est pas la vérité."

     

    Il est clair que l'auteur nous demande ici de fuir le post-rousseauisme de toute notre raison. Car on n'en finit plus de mesurer le désastre de la mise en pratique de cette philosophie criminellement optimiste - les unités nous manquent à dire vrai. Il serait vain de recenser toutes les théories et idéologies de ces quarantes dernières années qui s'en réclament, sans compter toutes celles qui se reconnaîtront dans le portrait (ne va-t-il pas comme une seconde peau à la "théorie du genre", et à tous ces rejetons difformes du progressisme ou modernisme* aux noms trompeurs ?) 

     Triste lot tout de même, qui donne à chacun d'être plus lucide contre son voisin que pour soi-même.

    "Jamais, disent-ils, la vérité n'est nuisible aux hommes. Je le crois comme eux, et c'est, à mon avis, une grande preuve que ce qu'ils enseignent n'est pas la vérité."

    C'est en effet un critère sans nul autre pareil. L'inconvénient est que pour en user et juger du fruit, il faut bien l'avoir eu en main.

    * Constat désabusé d'un apôtre du "modernisme" :
    "Après être entrés en pleine modernité pop avec le plastique, nous devons faire face aux désillusions de la post-modernité : ses dégâts irréversibles, ses problèmes insurmontables nous obligeant à faire des choix tragiques."
    La vérité n'est jamais nuisible aux hommes.