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Philosophie - Page 5

  • Le bâton de la morale, ou comment l'intellect corrige l'affect

    signorelli_Jugement_dernier.jpg   Que des évêques prennent position sur des sujets de société voire politiques, quoi de plus normal : après tout, par la grâce même de la séparation de l'Église et de l'Etat, l'Église n'est tenue à aucun devoir de réserve vis-à-vis de qui que ce soit. Et un évêque est aussi citoyen : sa parole est autant légitime que celle d'un Besancenot ou d'un Coluche.

    Cependant, un évêque ne parle pas seulement pour lui-même, ni pour son diocèse ; il est un visage de l'Eglise catholique aux yeux du monde. Aussi sa parole doit-elle être scrupuleusement pesée.

    Il y a peu (vendredi 27 apparemment) , selon les media, l'évêque de Toulouse, dressa une comparaison entre l'expulsion des camps illégaux de Roms en France, et les déportations de Juifs pendant la seconde Guerre Mondiale. Le CRIF a réagit aussitôt, se disant consterné par un tel amalgame.
    Quant à nous, si ces propos sont avérés, nous les trouvons simplement anachroniques, non pertinents, improductifs, en bref  bassement stupides, comme l'est tout propos qui n'a pas fait l'objet d'un discernement préalable sur une question morale.
    Bref, cet évêque a manqué une occasion de se taire ; sans doute faut-il y voir l'expression d'un malaise, qui tiendrait pour bonne part aux reproches médiatiques de l'attitude des évêques de France face aux déportations pendant l'Occupation. Il leur est reproché d'avoir été trop discret, voire inerte, et il est probable que nos évêques, hantés par ce passé et ces reproches, soient attentifs à ne pas s'offrir en deuxième repentance, et même enclin à l'excès inverse. Encore faut-il, lorsqu'on se prétend pasteur, donner au moins l'apparence que l'on s'est exercé au discernement préalable, et pas seulement à la grandiloquence. Le bavardage, sauf rajouter son petit bruit de fond, n'a jamais clarifié le signal de la vérité.

    Pourtant, les outils de discernement à disposition du pékin que nous sommes ne manquent pas. Il suffit, lorsqu'on est catholique et que l'on se trouve face à un cas de conscience, d'ouvrir son catéchisme, chose que d'aucuns négligent apparemment. Faute professionnelle.

    Puisqu'il faut tout faire soi-même dans cette maison, ouvrons-le à sa place,  directement à la troisème partie, première section.

    Tout procède de l'art 6, la conscience morale :

    - 1776 "Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur ... C’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme. La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre" (GS 16).

    Prélude de tout, en rien aboutissement, nous aurions aimé que notre évêque soit informé de la suite :

    - 1778 "La conscience morale est un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret qu’elle va poser, est en train d’exécuter ou a accompli. En tout ce qu’il dit et fait, l’homme est tenu de suivre fidèlement ce qu’il sait être juste et droit. C’est par le jugement de sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les prescriptions de la loi divine."

    Qu'on prenne garde : le jugement n'est pas le jugement de n'importe quelle faculté. Un enfant juge par les sensations, en fonction du plaisir ou de la douleur. Un adolescent juge par l'affect, en fonction des émotions. Mais nous demandons à un évêque de faire disparaître ce qu'il était de l'enfant (pour ce qui est du jugement), ainsi saint Paul : "Lorsque j'étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant ; une fois devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant." (1 Cor 13,11).
    De fait, la capacité à être affecté est bien nécessaire pour amorcer le jugement (la prise de conscience), mais la faculté qui doit être sollicitée dans le domaine de la conscience morale est bien la raison - en vue du bien - telle que disposée par le CEC : l'on parle bien ici du "jugement de la raison".

    Poursuivons :

    1780 "La dignité de la personne humaine implique et exige la rectitude de la conscience morale. La conscience morale comprend la perception des principes de la moralité (" syndérèse "), leur application dans les circonstances données par un discernement pratique des raisons et des biens et, en conclusion, le jugement porté sur les actes concrets à poser ou déjà posés. La vérité sur le bien moral, déclarée dans la loi de la raison, est reconnue pratiquement et concrètement par le jugement prudent de la conscience. On appelle prudent l’homme qui choisit conformément à ce jugement."

    A ce regard, notre évêque paraît quant à lui bien imprudent, comme un enfant qui traverserait une route sans tenir compte des feux.

    Le discernement de l'homme, dans les questions où la loi morale doit s'appliquer, fait appel largement à la raison. Mais la raison n'est ici qu'un agent : face à des situations complexes où l'intuition du bien et du mal ne suffit plus, il est nécessaire de disposer de critères objectifs sur lesquels la raison appuie avec sûreté son jugement, c'est-à-dire un référent immuable ; l'un des critères avancés par le CEC est la "loi naturelle" (chp 3, loi morale) :
    - 1954 "L’homme participe à la sagesse et à la bonté du Créateur qui lui confère la maîtrise de ses actes et la capacité de se gouverner en vue de la vérité et du bien. La loi naturelle exprime le sens moral originel qui permet à l’homme de discerner par la raison ce que sont le bien et le mal, la vérité et le mensonge."

    La loi naturelle (loi inscrite au coeur de tout homme, indépendamment de sa culture ou de sa position spatio-temporelle, et qui précède la loi écrite ou positive)  n'est pas une invention de l'Eglise catholique : on la retrouve chez les Grecs, notamment chez Xenophon dans "les Mémorables", Livre IV 4,19 :
    - Connais-tu, Hippias, reprit Socrate, des lois qui ne sont pas écrites?
    - Oui, celles qui sont les mêmes dans tous les pays et qui ont le même objet.
    - Pourrais-tu dire que ce sont les hommes qui les ont établies ?
    - Comment cela serait-il, puisqu'ils n'ont pu se réunir tous et qu'ils ne parlent pas la même langue?
    - Qui donc, à ton avis, a établi ces lois?
    - Moi, je crois que ce sont les dieux qui les ont inspirées aux hommes ; car chez tous les hommes la première loi est de respecter les dieux.
    - Le respect des parents n'est-il pas aussi une loi universelle?
    - Sans doute.
    - Et les mêmes lois ne défendent-elles pas la promiscuité des parents avec les enfants et des enfants avec les parents?
    - Pour cette loi, Socrate, je ne la crois pas émanée d'un dieu.
    - Pourquoi donc?
    - Parce que j'en vois certains qui la transgressent.
    - On en transgresse bien d'autres; mais ceux qui violent les lois établies par les dieux subissent un châtiment auquel il est impossible à l'homme de se soustraire, tandis que ceux qui foulent aux pieds les lois humaines échappent quelquefois à la peine, soit en se cachant, soit en employant la violence.

    Les stoïciens, comme Cicéron ou Sénèque, expliciteront davantage, ainsi que le mentionne le CEC :
    - 1956 Présente dans le cœur de chaque homme et établie par la raison, la loi naturelle est universelle en ses préceptes et son autorité s’étend à tous les hommes. Elle exprime la dignité de la personne et détermine la base de ses droits et de ses devoirs fondamentaux : "Il existe certes une vraie loi, c’est la droite raison ; elle est conforme à la nature, répandue chez tous les hommes ; elle est immuable et éternelle ; ses ordres appellent au devoir ; ses interdictions détournent de la faute ... C’est un sacrilège que de la remplacer par une loi contraire ; il est interdit de n’en pas appliquer une seule disposition ; quant à l’abroger entièrement, personne n’en a la possibilité" (Cicéron, rép. 3, 22, 33).
    Ou encore : "Dieu est l’inventeur d’une loi qui n’a pas besoin d’interprétation ou de correction puisqu’elle est présente en tous les êtres rationnels ; elle est la même à Athènes ou à Rome, hier et demain. Celui qui ne la respecte pas se fuit lui-même pour avoir méprisé la nature de l’homme".
    Et ensuite :
    - 1959 Œuvre très bonne du Créateur, la loi naturelle fournit les fondements solides sur lesquels l’homme peut construire l’édifice des règles morales qui guideront ses choix.

     Or donc, quelle est-elle cette loi naturelle ? Elle reprend les cinq aspirations fondamentales de tout être humain :

    1) Aspiration au bien et au bonheur.
    2) Instinct de conservation de l'être.
    3) Inclination à la vie affective et l'union sexuelle.
    4) Inclination à la connaissance de la vérité.
    5) Inclination à la vie en société
    +> aucune de ces aspirations ne peut se réaliser au détriment d'une autre (concrètement l'aspiration à l'union sexuelle ne valide pas le viol, l'aspiration au bonheur le vol, ou l'instinct de conservation la mise en danger de la vie d'autrui). Il est nécessaire d'avoir une approche en quelque sorte "holiste" de ces aspirations.

    Cette loi naturelle se retrouve explicitée dans le décalogue, incluse et débordée dans le commandement d'amour du Christ. La loi positive DOIT procéder de cette loi naturelle, autrement elle se condamne et se rend illégitime.

    Lors donc que l'on s'interroge si l'expulsion d'une communauté étrangère, en l'occurrence les Roms, est immorale ou non, il faut prendre en compte dans le jugement final :
    - le respect ou non  de la loi  naturelle - donc de la dignité de ces personnes (nous disons le bien ou le mal).
    - le satut des personnes, étrangères ou citoyens - c'est à dire ce qui leur est dû en terme de droit (c'est-à-dire de la loi positive : nous disons le juste ou l'injuste, sachant qu'il n'y a point de justice dans le mal).

    L'Etat en effet a des exigences et des contraintes que n'a pas l'individu : ce qui est possible et souhaitable pour l'un ne l'est pas pour l'autre, puisque l'Etat doit prendre en compte l'intérêt général, assurer la cohésion et la solidarité entre les sociétaires, et bien sûr leur sécurité, AVANT TOUT. C'est le pilier du contrat social, ce qui fait que l'individu accepte les contraintes d'un Etat. Dès lors qu'un Etat se préoccupe davantage d'un étranger au détriment d'un sociétaire, c'est son principe d'existence qui est remis en question.
    Ainsi un individu peut-il obéir à des commandements ou des principes auxquels n'est pas tenu un Etat : par exemple aucun Etat ne peut traduire en droit les commandements suivants du Christ : "A qui te frappe sur une joue, présente encore l'autre ; à qui t'enlève ton manteau, ne refuse pas ta tunique, à quiconque te demande, donne, et à qui t'enlève ton bien, ne le réclame pas." (Lc 6:29-30) 
    Chacun voit bien qu'un Etat qui autorise ses concitoyens à se dépouiller les uns les autres  ne survivra pas longtemps. Même la papauté, au plus fort de sa domination temporelle, n'a jamais validé de telles lois en termes positifs. En revanche, qu'un individu suive ces préceptes à la lettre est tout à fait envisageable.
    Il faut donc prendre garde, lorsqu'on juge l'action morale d'un Etat, de bien avoir conscience de son essence même, sous peine de rester improductif. L'Etat est tenu à la loi naturelle, pour tous, mais il n'est pas tenu à la loi de l'amour.

    Donc, puisque dans ce cas il nous faut distinguer le citoyen de l'étranger (pour juger précisément ce qui est dû à chacun), et l'Etat de l'individu (pour juger ce qui est possible du souhaitable), nous voyons parfaitement que :
    1° - les expulsions ou reconduites dans leur modalité actuelle n'enfreignent ni la loi naturelle, ni la loi positive. Si oui, nous attendons une démonstration du contraire (par exemple que les Roms risquent leur vie s'ils retournent dans leur pays, ou que les enfants sont séparés de leurs parents, où que la dignité des Roms en tant que personne est bafouée, ceux-ci étant convoyés par avions de ligne, ou par d'autres façons).
    2° - que si un pays de tradition chrétienne se doit d'être accueillant, il appartient à l'accueilli, qui vient librement et sans contrainte, de respecter à la fois l'accueillant et les lois du pays d'accueil, et ne pas constituer un fardeau social insurmontable ; il n'y a certes rien de déraisonnable dans ces exigences, dans la mesure où les citoyens sont eux-mêmes tenus au respect de la loi - pour autant qu'elle se conforme à la loi naturelle. Que d'autre part, l'on ne peut exiger d'un Etat qu'il soit plus généreux envers les étrangers que ses propres citoyens, et qu'en période de chômage de masse, de crise du logement, de déficit sociaux et autres, l'Etat est en droit d'ordonner soigneusement sa charité, de même que le Christ ordonna soigneusement sa prédication aux enfants d'Israël dans sa vie terrestre.

    Nous ne voyons donc, après réflexion, ni atteinte à la dignité ou l'intégrité de l'homme, ni injustice, puisque l'Etat français ne dénie pas l'accès au droit à ces personnes.

    En revanche, nous nous souvenons que, selon le CEC :

    - 1750 La moralité des actes humains dépend :
    de l’objet choisi ;
    de la fin visée ou l’intention ;
    des circonstances de l’action.

    Si l'objet choisi et les circonstances ne posent après réflexion pas de problèmes, il n'en va pas de même pour l'intention, et mon intuition est qu'il s'agit précisément de la source de toutes ces confusions et de ces malaises, très maladroitement et peu raisonnablement exprimés.
    En effet l'intention du gouvernement ne semble ici inspirée que par un souci sécuritaire de seconde main. L'impression retirée est bien que l'intention soit ici principalement électoraliste, puisqu'il a lui-même choisi de médiatiser ces reconduites ; or cette médiatisation n'a aucun caractère de nécessité.

    Voilà qui jette en définitive le doute sur le caractère morale de ces mesures de reconduites. Encore faut-il que l'Eglise, pour être audible, ne soit pas dans la posture mais dans la pastorale, et ne tape pas à côté de la plaque. On ne convainc pas des non-chrétiens à coups de versets de Bible plus ou moins pertinents, mais par une droite raison guidée par l'enseignement du Christ.
    Nous attendons donc de la part de ces évêques qu'ils nous expliquent, raisonnablement, pourquoi ils jugent les explusions de Roms immorales et comparables aux déportations des Juifs, par les outils mêmes qu'ils proposent à leurs fidèles.
    Ne nous avertissent-ils pas avec la régularité d'un coucou suisse que l"enfer est pavé de bonnes intentions" ? Luca Signorelli l'a même peint dans leurs cathédrales !

    Conclusion : nous avons insisté sur la méthode de la reconnaissance du caractère morale ou non d'une action. Il faut aussi insister sur l'obligation d'éclairer sa conscience par la connaissance la plus vaste possible du sujet de réflexion. Par exemple en prenant garde de ne pas prendre le Rom pour le bon sauvage maltraité par l'homme civilisé, mais en ayant conscience de toute la face cachée de cette misère apparente : en l'occurrence un business de la misère de type maffieux.
    Dans toutes ces opérations de prise de conscience, c'est bien l'intellect qui doit prendre le relai de l'affect.
    Nous nous étonnons également que les ténors de la morale (et nous aurions préféré entendre la voix des docteurs, des casuistes) se fassent entendre sur un pseudo-scandal des reconduites, quand ils se tenaient bien coi sur le scandale des conditions de vie -  et d'exploitation - des Roms. Voici la réalité : ces ténors sont le vrai scandale. Ils sont les idiots utiles des exploitants de la misère.

    Note : nous conseillons vivement la lecture des ouvrages de Servais Pinckaers (notamment "La morale catholique", cerf).

  • Benoît XVI ou la religion à coups de marteau

    Quelqu'un, visiblement distrait, oublia son marteau alors que Benoît XVI allait prononcer un discours devant le président de la République de Chypre et quelques diplomates.
    Benoît, bricoleur à ses heures, ne pu résister, le subtilisa. Le voici dans ses oeuvres :

    "Une deuxième voie pour promouvoir la vérité morale consiste à déconstruire les idéologies politiques qui voudraient supplanter la vérité. Les expériences tragiques du XXe siècle ont mis à nu l'inhumanité qui s'ensuit lorsque la vérité et la dignité humaine sont niées. De nos jours, nous sommes témoins de tentatives pour promouvoir de supposées valeurs sous le couvert de la paix, du développement et des droits humains. En ce sens, en m'adressant à l'Assemblée générale des Nations-unies, j'ai attiré l'attention sur des tentatives conduites en certains lieux pour réinterpréter la Déclaration universelle des Droits de l'Homme dans le but de donner satisfaction à des intérêts particuliers qui compromettraient la cohérence interne de la Déclaration et l'éloignerait de son objectif originel."

    medecin-peste.jpgL'âne du Zarathoustra se retourne subito contre son maître. Son coup de pied est magistral : déconstructeurs, nous allons vous déconstruire, vous et vos remèdes de charlatan ; vos masques en bec de canard vont tomber, et révéler les relents de vos pensées difformes, produit du fondement d'intellos marécageux collecté au tout-à-l'égoût philosophique .
    Pape roublard, à la pique assassine, rusé comme le serpent, innocent comme la colombe : il se sert de l'arme mise au point par les ennemis du genre humain, pour confondre leurs mensonges et mettre à nu leur vrai néant. Ceux qui vivent par le marteau périront par le marteau.

    Déconstruire les idées et théories délirantes de ceux qui ont juré la perte de l'homme à coup de déconstruction et de reconstruction à la Frankenstein : voilà encore un éclair lumineux et plein de rouerie de ce pape qui est bien l'homme de ce début de siècle. Voilà qui fait oeuvrer le chrétien radicalement pour le bien commun. Voilà un programme politique.

    Il est curieux à ce propos que Benoît XVI reprenne presque mot pour mot le livre de François Huguenin, "Résister au libéralisme", et commenté comme suit par Luc Pinson :

    "L’audace des penseurs que François Huguenin met en valeur dans son dernier essai, consiste à prendre de front un certain amoralisme libéral, en revenant à des notions aussi centrales que la vérité, le beau et le bien commun. Mais, nous explique t-il, l’audace d’un jeune théologien laïc comme William Cavanaugh est plus grande encore, puisqu’il conteste les définitions et les prétentions de l’État moderne. Ainsi se permet-il de déconstruire la légende de la légitimité politique fondée sur la rupture avec la religion.
    ...
    Depuis Maritain, les chrétiens ont renoncé à affronter les fondements du politique. Trop souvent, les grands mots de démocratie, de droits de l’homme, de laïcité, sont brandis comme des fétiches, alors qu’il faudrait les retravailler, les déconstruire pour les reconstruire. L’auteur montre que de nouveaux courants ne craignent pas de repenser la politique dans la recherche d’une nouvelle cohérence avec leur foi, parfois hésitante, mais stimulante."

    La différence : les déconstructeurs habituels ne sont que des grossiers dynamiteurs. Ils dynamitent la maison de pierre pour bâtir un taudis en carton. Les déconstructeurs de ces déconstructeurs sont des artisans maçons. Ils rasent pour rebâtir le solide, le vrai.

    Notes :
    Pour le discours de Benoît XVI, voir la dépêche Zenit
    Pour la critique du livre de François Huguenin, voir le site libertépolitique.

  • L'inhumanisme

    L'humanisme tranché du Christianisme, privé de racines et de sève, se révèlera au final l'oppresseur le plus implacable et impitoyable de la race humaine.
    La grande différence avec les oppressions passées, c'est qu'elle ne prendra point le visage de criminels, mais ceux de parfaits innocents.

    Baal change de nom et de face, mais il a toujours faim.

  • Le cri

    « Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d'un coup le ciel devint rouge sang — je m'arrêtai, fatigué, et m'appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et la ville — mes amis continuèrent, et j'y restai, tremblant d'anxiété — je sentais un cri infini qui se passait à travers l'univers. »
    Munch

    cri-munch.jpg

    Le cri est celui de l'homme informe et déconstruit, dynamité par une anthropologie contre-nature : celle des prédicateurs du néant. Notre époque n'a pourtant d'oreilles que pour cette lignée de jacteurs insensés : ils sévissent depuis plus d'un siècle, ont depuis apporté la preuve scientifique de l'inanité de leurs thèses chaque fois qu'ils crurent bon les mettre en pratique, ont plongé l'humanité avec persévérance dans les ténèbres les plus profondes, mais ils sont toujours applaudis par une sorte de conspiration irrationnelle. 
    Voici donc le cri du dépouillé : il n'a plus rien et il n'est plus rien. Tout son être maltraité se rebiffe : sa conscience lui jette en pleine face informe à la fois sa finitude pathétique et son néant absolu. "Celui qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera enlevé." 
    Il est bien au bord d'un gouffre .
    Les vaches se moquent de vivre au bord d'un gouffre, elles n'ont pas d'yeux pour le voir. L'homme ne sait pas ne pas voir.

  • De la création

    Question : est-il seulement possible à l'homme de créer ? Ou plutôt : l'homme peut-il véritablement "créer" autre chose qu'un mensonge ?
    Comment du reste l'homme peut-il échapper à la réalité ? Soit il énonce fidèlement, soit il ment (et il ment toujours par rapport à une réalité). Il dit ce qui est, ou bien il dit un néant. S'il dit : ce néant, voilà la vérité, alors il créé une distorsion avec le réel, et le salaire de cette distorsion, en bout de logique, c'est la mort.

    Il est intéressant ici de s'attarder sur l'un des domaines privilégiés de la soi-disant "création", l'art. En peinture, le paradigme fut longtemps d'énoncer, ce qui impliquait nécessairement le formalisme, puisqu'ici-bas la l'être s'exerce dans une forme. Culte de la forme : on n'échappe pas à la forme, et à l'énonciation de celle-ci. Ce qui est prend obligatoirement une forme, le génie est d'en rendre compte par une sorte de fidélité, de confiance, de "fides".
    De nos jours on trouve la forme insupportable, obstacle à la créativité de l'homme (comme si l'homme pouvait créer quoi que ce soit.) La forme est donc reniée au profit de l'informe. D'une décomposition, pour ne pas dire d'une pourriture, il est demandé au spectateur, au mieux, de reconstruire une forme et de faire le travail de "l'artiste". Voici : l'art dit abstrait n'est que culte rendu à l'informe, par orgueil de pseudo-créateur ou hypocrisie de ratés. Ceux-là n'ont aucun talent ni génie à revendre, sauf le bagout des marabouts : ils habillent la nudité de leur génie d'un verbiage pédant et amphigourique. L'on se paye de mots, et de la tête de quelques pigeons roucoulants.
     Mais que l'on considère : l'informe n'est-il pas une propension au néant ? La pourriture et la corruption, n'est-ce pas une privation de forme, et les premiers symptômes du néant ? L'art abstrait est un art de néant.
    Cela reste néanmoins un art, en négatif. On dira ainsi de l'art contemporain qu'il n'est pas "art", l'usurpateur, mais simple bouffonnerie. Il est un divertissement, à l'égal de Mickey.
    Siècle qui inventa la prime à la médiocrité, par haine du beau et du génie.

     "Dieu, créateur de toute chose, écrivait saint Augustin, tout puissant à remettre en forme le difforme, notre ouvrage." - Confessions l. IX