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Religion - Page 11

  • Il rira, ou le gai savoir

    Nietzsche, dans un accès habituel de mauvaise foi mélangée à un indéniable sens de l'observation, écrivit : "Jusque dans leurs discours [ceux des prêtres] je sens l'odieux relent  des chambres mortuaires. Il faudrait me chanter de meilleures chansons [ Requiem, Magnificat, Stabat Mater, Passion, Messe en si mineur ?] pour me faire croire à leur sauveur ; il faudrait que ses disciples eussent l'air un peu plus sauvés."

    Que n'allait-il à la messe de l'épiscopalien Mgr Tutu, ce fils de Lutherien ?

    Le seul vrai gai savoir pourtant, la religion de la joie et de la danse, c'est le christianisme, assurément. Le marqueur infaillible de la foi, c'est la joie : l'enthousiasme pour être précis, cette exaltation poussant à agir avec joie (étymologiquement "possession divine", être saisi par Dieu).  
    Point de joie, point de foi : les tristes sires et les pisse-vinaigre, voilà peut-être les plus acharnés des récalcitrants à la bonne nouvelle.

    Faut-il pour autant nier les pleurs et les grincements de dents ? Certes non : il est simplement un devoir pour  ceux qui croient à la Vie de danser à temps et non à contre-temps :
    - Il y a un moment pour tout et un temps pour toute chose sous le ciel. 
    - Un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour gémir, et un temps pour danser (Qo 3:1).

    Il convient alors de ne pas se tromper sur ces paroles de Jésus : "Malheur à vous qui riez maintenant! car vous connaîtrez le deuil et les larmes." Et ne disait-il pas juste auparavant : "Malheur à vous, qui êtes repus maintenant ! car vous aurez faim." Quel insensé comprendra qu'il est bon d'être triste, et qu'il est bon d'être affamé ? La lettre tue, l'esprit vivifie, et en effet, malheur à celui qui entend littéralement ces paroles. Le rire dont Jésus se rit, c'est le rire écervelé, de l'insensé qui dit dans son coeur : "Dieu n'existe pas" ; les pleurs, ceux qui sont  victimes de ces gens qui hochent de la têtes, clignent de l'oeil, et mettent à mort les envoyés. Les repus, ce sont ceux qui s'emplissent la panse des biens de ce monde à mesure qu'ils jeûnent des biens de leur âme. Malheur donc à ceux qui dansent à contre-temps
    Jésus quant à lui allait aux noces et au désert, à temps. Et la preuve que le christianisme est religion de joie, Dieu transforme au final matière à pleurer en rire, à temps et contre-temps : "Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux : c'est bien ainsi qu'on a persécuté les prophètes, vos devanciers" (cf Luc 6:17 et Mt 5:1). Etre dans la joie et l'allégresse à cause des heurts et malheurs, n'est-ce pas le plus haut des gais savoirs, la logique du rire poussée à son plus ultime ? Simple rappel ici que la vie ne se termine pas avec la mort.

    Voici encore : le rire est terme de l'alliance de YHWH avec Abraham, partant, avec toutes les nations : "Ta femme Sara te donnera un fils, tu l'appelleras Isaac [Il rira]. J'établirai mon alliance avec lui, comme une alliance perpétuelle, pour être son Dieu et celui de sa race après lui". Et cette alliance est étendue à toutes les nations : "Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, parce que tu m'as obéi." Toutes les nations rient à présent de joie à la suite d'Isaac, à cause d'Abraham et grâce au Christ. Alors, par pitié, que ses disciples prennent donc un air un peu plus sauvé à la sortie de la messe :

    Der Himmel lacht! die Erde jubilieret
    Und was sie trägt in ihrem Schoß;
    Der Schöpfer lebt! der Höchste triumphieret
    Und ist von Todesbanden los.
     -
    Cieux, riez ! Terre, exulte,
    Et tout ce que tu portes en ton sein ;
    Le Créateur vit ! Le Très-Haut triomphe
    Libéré des chaînes de la mort.

    Voilà bien la preuve qu'on peut être Lutherien et rire.
    Enfin quoi ! Dieu n'est pas un Dieu de morts, mais de vivants ; et Dieu n'est certes pas mort : Il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête. Et il juge à présent Nietzsche, fils de pasteur luthérien, sur ses pas de danse, lui qui se prétendait bon danseur : "Tu as chanté ma mort, pauvre insensé ? Eh bien danse maintenant !"

    Note philosophique : "Le rire est triste infirmité de la nature humaine, dont toute tête pensante s'efforcera de se délivrer."
    Hobbes est mort lui, et c'est tant mieux pour nous. 

  • De l'abdication de l'âme

    Voici ce qui a toujours paru intolérable au pouvoir temporel : empire, royauté, république, tyrannie, dictature, le discours est même :

    "Il y a au fond des âmes, depuis que Jésus-Christ en a pris l'empire, cette parole plus forte que la puissance de tous les rois : Non possumus. Vous nous demandez de placer notre conscience sous le sceptre d'un homme : Non possumus. Vous demandez de sacrifier à la volonté d'un homme une seule pensée de Jésus-Christ : Non possumus. Vous demandez à partager avec lui cet empire qui n'appartient qu'à lui : ô rois ! prenez-en votre parti : Non possumus. Nous pouvons abdiquer ce qui est de nous ; mais abdiquer ce qui est de Jésus-Christ, jamais ! Non possumus.

    Père Célestin Joseph Félix, Conférences, 1859.

    C'est ainsi qu'au Slavador, dans les années 80, on écrivait sur les murs : "Soyez patriotes, tuez un prêtre." *

    Et par chez nous :
    L'avortement ? Non possumus.
    L'euthanasie ? Non possumus.
    Le mariage galvaudé, ridiculisé ? Non possumus.
    La parentalité de carnaval ? Non possumus.
    La selection eugénique ? Non possumus.
    La dictature de l'hédonisme et du matérialisme ? Non possumus.

    Non possumus ! Non possumus ! Prenez-en votre parti : les attentats contre l'homme et la vie, nous ne pouvons pas - à moins d'abdiquer notre âme, empocher le prix de la trahison, et disparaître, engloutis dans ce siècle.
    "Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas clamer ce que nous avons vu et entendu." (Ac 4:20)

    * Voir l'article de la BBC sur Monseigneur Romero

  • Les trente pièces d'argent

    Nos sociétés ont largement tort d'ignorer les témoignages des prêtres exorcistes. Le Diable n'est certes pas une métaphore, il n'est pas non plus de l'imagerie moyen-âgeuse. Mais le Diable est furieusement réel.
    Les témoignages de ces prêtres sont rares, d'autant plus précieux. Aussi cette interview par CNN de Gabriele Amorth, exorciste principal du Vatican et de Rome, est-elle saisissante. Il rappelle une évidence, comme autrefois un célèbre général rappela que "le feu tue" : le Diable tente. Une première remarque toutefois : le père déclare à plusieurs reprises : "it's his job to tempt" (d'après la traduction en anglais de l'italien), ou : "c'est son boulot de tenter". Il convient sans doute de préciser : le Diable a pris la liberté de se donner à lui-même pour tâche de tenter. En aucun cas il ne faudrait imaginer que Dieu lui a confié un job de tentateur ; il serait impie de le penser - et simplement déraisonnable.
    Une deuxième remarque : cette interview est donnée dans le contexte des affaires de pédophilie, qui tourmentent violemment l'édifice catholique. Le père dit : "les coupables ont été tentés par le Diable, mais ils ne sont pas possédés". N'imaginons pas un instant que les voilà ainsi dédouannés de leurs responsabilités. Tentés peut-être. Complices de la tentation et agents du mal, sûrement. Mais il n'y a pas de liens mécaniques entre la tentation et l'entrée en tentation. Il y a toujours moyen de ne pas céder. Le passage s'effectue par un acte de volonté propre, et ces actions sont troublantes, au sens évangélique, donc vigoureux, du terme :

    "Mais si quelqu'un doit troubler l'un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d'être englouti en pleine mer. 
    Malheur au monde à cause des scandales ! Il est fatal, certes, qu'il arrive des scandales, mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive ! 
    Si ta main ou ton pied sont pour toi une occasion de péché, coupe-les et jette-les loin de toi : mieux vaut pour toi entrer dans la Vie manchot ou estropié que d'être jeté avec tes deux mains ou tes deux pieds dans le feu éternel. 
    Et si ton œil est pour toi une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi : mieux vaut pour toi entrer borgne dans la Vie que d'être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne de feu. 

    Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits : car, je vous le dis, leurs anges aux cieux voient constamment la face de mon Père qui est aux cieux."  (Mt 18-6)

    Qu'ajouter de plus ? Comment des prêtres ou des religieux peuvent-il être au moins triplement oublieux à la plus simple des lois, à la plus élémentaire morale, à la plus limpide des Paroles ? Il existe donc des prêtres et des religieux sans foi ni loi. Finalement rien de plus nuisible et stérile qu'une foi avariée, figuiers desséchés et candidats pour la cognée ; sacerdoce marron qui jette la suspicion et l'opprobre sur la véritable et magnifique. Comme un signe positif malgré tout, nous notons la presse et la société toute entière dénoncer la pédophilie d'une voix - même si pour la première, nous ne sommes pas naïfs au point de croire qu'il n'y a pas d'arrières-pensées guère plus reluisantes que l'acte dénoncé. Derrière le ton outragé, l'on ricane de la bouche, l'on hoche de la tête, l'on cligne de l'oeil : mais dans cette affaire, le bâton ne fut-il pas offert à nos ennemis ?

    Alors, l'édifice va-t-il se ruiner ? Allons-nous abdiquer et capituler après une telle trahison ? Certains imprudents et irréfléchis se l'imaginent volontiers, prennent plus volontiers encore leurs désirs pour la réalité, mais ils ne connaissent pas le bâtisseur, celui qui posa les fondations. Quelques pierres branlantes basculent, quelques pans malséants, pourris et clandestins s'effondrent, mais la pierre d'angle restera, comme de toute éternité, immuable.

  • Bataille de chiffonniers

    Intéressante est la lettre adressée par le pape Celestin aux évêques de Provence en 428. Elle blâme en termes énergiques l'usage introduit par des évêques issus du monastère de Lérins de porter une tenue ecclésiale, pour se différencier des fidèles :
    Celestin commandait dans cette lettre que le clergé se distinguât des fidèles par "la doctrine et non l'étoffe, la conduite et non le costume, les intentions pures et non la parure." (doctrina non veste, conversatione non habitu, mentis puritate non cultu)

    L'habit fit donc le moine, mais non le prêtre.

    Quatre siècles plus tard, sous les Carolingiens, les "Fausses Décrétales" enjoignent : "De même que les clercs doivent se distinguer par leur comportement, de même doivent-ils apparaître différents par leur tonsure et leur tenue vestimentaire." *

    Autre temps, autre moeurs...


    * cité par Louis Trichet in "Le costume du clergé. Ses origines et son évolution en France d'après les règlements de l'Eglise", edition du Cerf.

  • L'éclairage

    Personne, absolument personne, ne pourra prétendre avoir perdu son temps à la lecture du (long) document suivant :

    http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/pcb_documents/rc_con_cfaith_doc_20020212_popolo-ebraico_fr.html

    "Il est clair qu'un rejet de l'Ancien Testament de la part des chrétiens, non seulement, comme on l'a indiqué ci-dessus, abolirait le christianisme lui-même, mais en outre ne pourrait pas favoriser la relation positive entre les chrétiens et les Juifs, car ils perdraient précisément le fondement commun."

    Joseph Cardinal Ratzinger, in Préface, LE PEUPLE JUIF ET SES SAINTES ÉCRITURES DANS LA BIBLE CHRÉTIENNE, de la Commission Pontificale Biblique.

    NDLR : se pose alors la question/le problème du Coran. Si l'Ancien Testament est le fondement commun des juifs et des chrétiens, l'islam quant à lui se retranche volontairement de cet héritage, en annonçant péremptoirement la supériorité irréfragable du Coran sur toutes ces écritures falsifiées. Nouveau Testament ? Falsifié. Ancien Testament ? Falsifié. Dès lors, à partir de ces assertions définitives, si nous voyons très clairement sur quelle base établir des relations entre chrétiens et juifs, nous voyons plus obscurément sur quelle base fonder des relations avec cette religion monothéiste. Est-ce que cela à même un sens, une pertinence autre que culturelle ?