"Nous manions à chaque instant des objets qui dans leurs fondements interrogent la nature de l’espace, la nature du temps et l’introduction des probabilités au coeur du réel. Et chacune de ces interrogations est non seulement déroutante mais susceptible d’être interprétée différemment et conduire à des positions philosophiques diamétralement opposées. D’où le fait que les interprétations de la mécanique quantique n’ont jamais cessé, depuis sa construction dans les trente premières années du 20 ème siècle, de provoquer des débats conflictuels entre les physiciens, avec au premier chef, dans les années trente, l’affrontement Einstein-Bohr : au "dieu ne joue pas aux dés" du premier répliquait le "cessez de dire à dieu ce qu’il doit faire" du second. Einstein se refusait à abandonner l’idée d’une réalité objective tandis que Bohr se contentait d’observer que la théorie quantique permet de prévoir le résultat des expériences - et que demander de plus ?"
Sven Ortoli, in Altantico du 28/01/2013
Où l'auteur rappelle la nécessité de distinguer le phénomène (c'est à dire le fait tel qu'il se présente à nos sens, toujours médiatisé donc), l'observation du phénomène, et son interprétation. Parce que nous n'avons jamais accès à la chose en elle-même mais uniquement à son phénomène médiatisé, nous sommes contraints de passer par la spéculation pour trouver la cause des choses ; d'où l'élaboration de modèles ou théories dites scientifiques.
"Cette question des univers multiples a d’importantes résonances. Elle oblige à s’interroger sur ce que nous attendons de la science. Elle montre qu’une physique sans métaphysique n’a finalement aucun sens. Elle tisse des liens avec d’autres champs cognitifs.
Peut-être sera-t-elle aussi l’occasion de faire cesser quelques remarques insensées comme : « mais ce n’est qu’une théorie » ou « cette théorie est-elle prouvée ? ». En effet, tout notre savoir est théorique et être une théorie n’est évidemment pas une faiblesse ! A contrario, aucune théorie scientifique n’a jamais été et ne sera jamais prouvée, c’est justement ce qui fait sa scientificité…"
Aurélien Barreau in Atlantico du 21/02/2015
(Il faudrait s'interroger sur ce que l'auteur entend par "métaphysique" - probablement au sens Aristotélicien, mais rien n'est certain). Un modèle n'est crédible que s'il permet la prédiction fiable de phénomènes donnés. Quelle crédibilité pour les modèles climatiques, puisque à peine sont-ils capables de prédire le climat du passé ? Sur le terrain de la prédiction, le modèle quantique est considéré comme fiable, au point que toutes les technologies de l'information y ont recours. Mais n'est-il pas paradoxal que nos plus puissants calculateurs, qui ne se trompent jamais dans leurs opérations les plus complexes, reposassent sur de la probabilité phénoménologique ? Il est probable qu'une particule se trouve à instant t dans un état e ; mais cet état manipulé par nos calculateurs donnera invariablement la même valeur à pi, à plusieurs milliers de milliards de décimales près. C'est dans ce paradoxe entre la cause probable et l'effet certain que se trouve la fécondité de la spéculation scientifique du XX° - et c'est grâce à ce paradoxe que tout un champ philosophique est encore possible.