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Aius Locutius - Page 68

  • Houellebecq et la littérature

    L'écrivain Michel Houellebecq ne se fait pas d'illusion sur son art. Il écrivit ceci dans un texte intitulé "Sortir du XXe siècle ?" * :

    « La littérature ne sert à rien. Si elle servait à quelque chose, la racaille gauchiste qui a monopolisé le débat intellectuel tout au long du XXe siècle n’aurait même pas pu exister. Ce siècle, bien heureusement, vient de s’achever ; c’est le moment de revenir une dernière fois (on peut du moins l’espérer) sur les méfaits des « intellectuels de gauche », et le mieux est sans doute d’évoquer Les Possédés, publié en 1872, où leur idéologie est déjà intégralement exposée, où ses méfaits et ses crimes sont déjà clairement annoncés à travers la scène du meurtre de Chatov. Or, en quoi les intuitions de Dostoïevski ont-elles influencé le mouvement historique ? Absolument en rien. Marxistes, existentialistes, anarchistes et gauchistes de toutes espèces ont pu prospérer et infecter le monde connu exactement comme si Dostoïevski n’avait jamais écrit une ligne. Ont-ils au moins apporté une idée, une pensée neuve par rapport à leurs prédécesseurs du roman ? Pas la moindre. Siècle nul, qui n’a rien inventé. Avec cela, pompeux à l’extrême. Aimant à poser avec gravité les questions les plus sottes, du genre : « Peut-on écrire de la poésie après Auschwitz ? » ; continuant jusqu’à son dernier souffle à se projeter dans des « horizons indépassables » (après le marxisme, le marché), alors que Comte, bien avant Popper, soulignait déjà non seulement la stupidité des historicismes, mais leur immoralité foncière. »

    Voilà une bien étrange pensée, puisque Houellebecq, par sa démonstration de l'inutilité de la littérature par l'exemple des "Possédés" de Dostoïevski, nous produit en définitive la preuve inverse. Tous les acteurs de ce romans sont possédés d'idéologies qui se sont développées dans la littérature de la génération précédente.
    Toutes les idées qui ont infesté le XX° et continuent de nous infester comme autrefois la peste noire et bubonique, ont d'abord germé et champignionné dans des livres, après fermentation dans les esprits. Le principe matériel de nos catastrophes et désastres humanitaires, c'est une littérature. Qu'aurait été Karl Marx, et donc la révolution de 1917 en Russie, sans "das Kapital" ? Comment prétendre que  les écrits de Nietzsche, Rousseau ou Voltaire n'ont eu et n'ont encore aucune influence ?

    Tout le problème, dans l'orientation d'une dynamique de société, est de savoir avec qui elle a envie d'avoir raison ou tort. Préfère-t-elle avoir tort avec un faux-prophète, ou raison avec un vrai ? Au XX° la société française, magnifiquement éclairée par l'intelligentsia qu'elle méritait, préféra avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron - avec la faillite "sociétale" qui s'ensuivit et que tout le monde connait. 
    La vraie question est donc : à quoi servent les prophètes ? puisqu'à part Jonas, ils n'ont jamais évité le pire.
    Réponse : à s'interdire d'affirmer : "Je ne savais pas." Donc, à assumer nos mauvais choix le plus librement du monde.

    * NRF, N°561

  • Des chrétiens contemporains

    Sondage édifiant, qui dépasse même son objet, paru dans Pélerin Magazine à propos du divorce dans l'Eglise :

    "85 % des Français [sondés] disent ne pas comprendre l’interdiction de se remarier à l’église pour les divorcés qui avaient déjà été mariés religieusement, et 80 % ne comprennent pas l’impossibilité pour ceux-là de communier. Cette incompréhension est largement partagée par les catholiques : 24 % seulement des pratiquants réguliers qui se déclarent concernés considèrent que "l’Église a raison d’interdire" le remariage à l’Église, et 16 % seulement que "l’Église a raison d’interdire de communier".

    Voici la preuve très simple que 85% des sondés ne comprennent rien à la signification de l'acte de se marier dans L'Eglise catholique, et qu'ils ne comprennent pas plus ce qu'est un sacrement. Rien ici de surprenant, et personne ne leur en voudra, sauf de s'exprimer sur un sujet auquel visiblement ils n'entendent rien et ne les concerne pas.
    Quoi en revanche de plus affligeant  et démoralisant que de trouver des "catholiques"  qui ne "comprennent" pas plus en de telles proportions ? Ils ne comprennent donc pas les sacrements de leur propre religion, ni le sens du mariage tel qu'il est proposé par l'Eglise catholique ? Voilà qui interpelle sur le sérieux de leur préparation au mariage.

    Et qui les enchaîne devant l'autel ?  : personne n'oblige à se marier devant un prêtre catholique, mais chacun à l'obligation, dans l'exercice d'un acte parfaitement libre, de réfléchir aux conséquences et à la portée de cette acte. C'est la condition d'un homme libre, le coeur de sa dignité. Ce n'est pas être moralisateur que l'affirmer, c'est dresser un simple constat clinique et parfaitement raisonnable. Apparemment une majorité de catholiques se marient donc à l'église sans même s'être renseignée sur les devoirs et obligations d'une telle démarche. En bref, ils ne savent pas ce qu'ils font. La vraie question est donc : que leur enseigne-t-on pendant leur préparation à leur mariage ?
    Enfin, si les catholiques ne "comprennent" pas, leur est-il si exténuant d'ouvrir un  simple catéchisme de l'Eglise catholique ? Est-ce là trop leur demander ?

    Le plus grave est, comme souvent, pour la fin :

    Pour 79 % des pratiquants sondés concernés par le divorce, « l’Église devrait adopter une attitude plus souple pour tenir compte de l’évolution des mœurs »...

    Comment dire... Je ne suis pas sûr que ceux dont on parle soient véritablement pratiquants : pour oser se positionner ainsi, il est clair que ces échantillons de catholiques n'ont absolument aucune idée de l'essence d'une religion, d'autant moins de la leur propre. S'ils pensent vraiment ainsi, alors ils sont du monde mais certainement pas de l'Eglise. Ils sont des spectres assis sur des bancs : quand ils prononcent un Crédo, ils sont comme des enfants qui récitent un poème dont ils n'entendent pas un mot. Et ils demandent non la souplesse, car l'Eglise l'est en vérité, mais l'invertébration. Ces mollusques veulent une Eglise à leur image.
    L'idiot du village lui-même verrait bien que l'Eglise n'a pas à tenir compte de l'air du temps, le plus souvent méphitique, mais uniquement de la vérité. Cela seul compte.


    Au delà de ces considérations, ce que ce sondage démontre :
    - 1° la faillite totale de la préparation au mariage menée par l'Eglise catholique, qui prépare des non-catholiques ne sachant visiblement pas ce qu'ils font, et ce en quoi ils s'engagent.
    - 2° le vide abyssale du contenu de la foi d'une bonne proportion de catholiques, dont on se demande en quoi ils se différencient des autres non-croyants. L'effort d'intelligence est devenu surhumain pour une société à peine équipée pour suivre un feuilleton comme "Plus Belle La Vie". Crede ut intelligas, je crois pour comprendre ; intellige ut credas, je comprends pour croire, et aussi : fides quares intellectum, la foi cherchant l'intelligence. La foi doit être placée dans une dynamique d'intelligence, non pas de rente. L'Eglise n'a certes pas besoin de rentiers de la foi.

    Note : il ne s'agit pas ici de discuter du bien-fondé ou non de la position de l'Eglise catholique sur le mariage et le divorce ; il est tout a fait légitime et sain de s'interroger, et le croyant n'a pas à consigner son cerveau dans la sacristie. En revanche il est incompréhensible que des catholiques ne comprennent pas, par simple paresse, un enseignement de l'Eglise à la portée de tous. Ils sont les seuls responsables de leur coupable ignorance.

  • Des invasions barbares

    Ou du hara-kiri social.

    Cette semaine, une dépêche de l'AFP fut reprise avec des cris de triomphe par tous les media de France et de Navarre :

    "Mercredi 09 septembre 2009, 18h20

    Le film X n'est plus réservé à une minorité masculine et apparaît comme un phénomène intégré à la vie sexuelle des Français, au point que le visionnage n'est plus une expérience honteuse et solitaire, mais une vraie affaire de couple, selon une enquête de l'Ifop.

    "L'émergence des chaînes câblées et d'internet comme moyens d'accès au X, entraîne démocratisation et banalisation du genre. Le principal enseignement est que les Français sont aujourd'hui décomplexés vis-à-vis du X", a expliqué à l'AFP François Kraus, chargé de l'étude rendue publique mercredi et réalisée pour le groupe Marc Dorcel, leader français de la production pornographique.

    "On ne regarde plus un film X seulement en solitaire. Le X fait partie désormais des moyens d'activer la libido au sein du couple, en cassant la routine, toutes tranches d'âge et catégories sociales confondues", ajoute M. Kraus, précisant que cet "observatoire de la pornographie" est le premier réalisé en France."

    Vraiment il faut pavoiser : enfin la pronographie se démocratise, enfin les Français sont décomplexés, enfin la France s'est dotée d'un "observatoire de la pronographie" ; il était plus que temps. Inutile de chercher plus longtemps pourquoi la France était championne du monde des suicides et de la consommation d'anti-dépresseur : la pornographie ne s'était pas démocratisée, il n'y avait point d'observatoire de la pornographie. Nulle doute dès lors que tout ira pour le mieux : l’humanité convertie au culte de l'ordre obscène voit se lever une aube radieuse - une de plus.

    Trois remarques :

    1) Nous constatons très simplement, qu'alors que les signes ostensibles de religion sont impitoyablement traqués par notre bonne mère la république, les signes ostentatoires d'obscénité prennent quant à eux toute la place, sous son oeil maternant : "For in the fatness of these pursy times, virtue itself of vice must pardon beg."
    Voici une mère qui déshérite ses fils légitimes au profit de batards dégénérés.

    2) L'étude fut commanditée par le numéro 1 du porno en France. Il eut été étonnant qu'il n'y eut pas quelque intérêt fiducier derrière cette "démocratisation". Y a du pognon à se faire sur le dos du troupeau de ruminants ici ; quoi de plus de simple que de créer une norme de toute pièce (oracle du sondage), qui rapporte un max si possible évidemment, et de convaincre ensuite le bon peuple domestiqué de se plier à cette norme, c'est-à-dire, bêtement, de la consommer. Rien de plus facile : le peuple consomme comme la vache rumine. Le peuple pense sa consommation comme une vache pense sa rumination. Broute peuple, tu es fait pour brouter, puis bouser, puis re-brouter. Tu bouses donc tu existes économiquement, et tu n'as point besoin de cerveau pour une telle opération ; d'ailleurs, pour preuve qu'on s'occupe de tout, on te l'anesthésie. Il ne te sert à rien, et ce qui est inutile voilà ce qui est économiquement immoral.

    3) Les media, pièce maîtresse de la normalisation, se pressent de claironner l'oracle à tout bout de trompe : c'est que pour eux, la pensée même de laisser filer l'air du temps serait proprement insupportable. Non ici par goût du profit, ce serait pour le coup trop ostensiblement vulgaire, pas assez hypocrite, mais par simple vanité. Les idiots utiles se manipulent simplement par vanité.
    Stupéfiant d'entendre l'orchestration médiatique jouer, et avec quel entrain, sa partition pathétique alors que le paquebot sombre corps et biens ! Ainsi une équipe s'occupe-t-elle avec zèle d'affaiblir la coque à grands coups de massue, quand une autre couvre de leur cacophonie le crissements des fissures, le fracas de l'eau qui s'engouffre.
    Et n'est-il pas navrant de voir en Une de ces pauvres feuilles la litanie sans fin des crimes sexuelles, et en page deux leurs cris de triomphe devant, enfin, la "démocratisation de la pronographie" ?
    Car ils ne leur vient pas à l'esprit, à ces niais inconséquents, qu'il y a, peut-être, un lien entre les deux phénomènes : la "démocratisation" de la pornographie ET des crimes sexuels. Il est vrai que personne n'a commandé d'oracle à ce propos. Mais il serait pourtant plus que nécessaire de se poser, sans tabou, la question suivante : 
    - La courbe du nombre de déliquants et criminels sexuels en prison suit celle du chiffre d'affaire de la pornographie. Pourquoi ?
    Et en questions annexes :
    - Les Français se suicident en masse. Pourquoi ?
    - Les Français vivent sous prozacs. Pourquoi ?

    Mais il semble qu'on ne tienne pas vraiment à connaître la réponse vraie à ces questions. On préfère, de loin, la juteuse mélodie des turlusiphons médiatiques qui maintient les illusions ; la pilule bleue, celle des steaks virtuels et onéreux, plutôt que la pilule rouge.

    Chateaubriand nous écrit de sa tombe : "Le cynisme des moeurs ramène dans la société, en annihilant le sens moral, une sorte de barbares ; ces barbares de la civilisation, propres à détruire comme les Goths, n'ont pas même la puissance de fonder comme eux : ceux-ci étaient les enfants énormes d'une nature vierge; ceux là sont les avortons monstrueux d'une nature dépravée."

    La démocratie a décomissionné l'intelligence, la spiritualité et la probité devant une guilde de vulgaires boutiquiers ; des crevards marchand d'illusions. Elle se laisse à présent guider comme un gentil toutou par une bande de camés.

  • Du turlusiphon

    ... ou du moulin à prières.

    On s'étonnera toujours de la distance qu'il y a entre les paroles, les intentions ou la volonté, et les actes. On s'étonnera par là de cet être si dispersé et décousu qu'est l'homme, et on le plaindra sans doute. On comparera sa parole, vaine, avec celle de Dieu : Dieu dit, et cela est.
    On se félicitera toutefois que chez l'homme, la parole et l'agir soient ainsi découplés. Il n'est pas dans l'intérêt de tous que chaque parole (ou chaque pensée) se traduise immédiatement en faits, cela rendrait nos existences très aléatoires.

    Tout de même, lorsqu'il est écrit : "Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa.", nous pensons au verbe image du Verbe. Dès lors, quand nous voyons la perversion que peut faire l'homme de son usage du verbe, comment ne voyons-nous pas qu'il s'agit là de la distorsion la plus grave faite à cette image : "La parole est pour dire le monde, non pour le contrefaire", disait un rabbin à son chat menteur.

    Deux travers : soit l'homme sur-évalue son verbe, il le prend pour un verbe créateur alors qu'il n'est qu'un verbe énonciateur, soit il le dévalue, utilisant son verbe comme une planche à billets surchauffée. Les mots ont alors la valeur du papier-monnaie, non de la monnaie elle-même.

    Que vaut alors une parole de prière ? Rien, si celle-ci n'est qu'un simple débit sonore. Autant jouer avec une chasse d'eau comme enfant.

    "Ce peuple est près de moi en paroles et me glorifie de ses lèvres, mais que son cœur est loin de moi et que sa crainte n'est qu'une leçon apprise."
    Ainsi parle Dieu par la bouche d'Isaïe. Et aussi :
    "N'apportez plus d'oblation vaine : c'est pour moi une fumée insupportable! Néoménie, sabbat, assemblée, je ne supporte pas fausseté et solennité.  Vos néoménies, vos réunions, mon âme les hait; elles me sont un fardeau que je suis las de porter !" 

    Nos mots ne valent rien en soi, comme un billet de banque ne vaut rien en soi. Seul le Verbe de Dieu est efficace en soi. Pour l'homme, pour que son verbe soit efficace, il faut que la volonté, la parole et les actes soient unis en cohérence. Ainsi Jesus disait ce qu'il faisait, faisait ce qu'il disait, et mourut pour ce qu'il fit et dit. Il n'y a pas témoignage plus solide qu'une parole incarnée : "Je rends témoignage de moi-même, et le Père qui m'a envoyé rend témoignage de moi." (Jean)
    Le contraire, le faux témoignage, la parole fausse-monnaie, c'est, par exemple,l 'antéchrist auto-proclamé Nietzsche : il vécut et mourut l'exact inverse de qu'il dit.

    Et lorsqu'on se contente de paroles comme dans une incantation, on s'adresse à une idole et la croyance est superstition.

    - Medellin, Colombie, 2000 morts par an : «Je me confesse souvent, et Dieu pardonne mes péchés», confie l'un de ces tueurs de métier (Figaro, Medellin replonge dans la guerre des gangs le 28/08/2009) .

    Voici pour son "pardon" :
    "Vous avez beau multiplier les prières, moi je n'écoute pas. Vos mains sont pleines de sang :  lavez-vous, purifiez-vous! Otez de ma vue vos actions perverses! Cessez de faire le mal." (Isaïe)

    Plus lucide que ce tueur à gage, tout aussi coupable, Claudius, le roi fratricide et usurpateur dans Hamlet :
    "My words fly up, my thoughts remain below;
    Words without thoughts never to heaven go. "
    Et vous qui dites : "Dieu n'écoute pas ma prière !", dansez plutôt la danse de la pluie.

  • L'étranger

    Le plus difficile n'est pas de croire en Dieu. Le plus difficile est de croire que Dieu, tout en étant radicalement autre, ne nous est pas étranger.