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Aius Locutius - Page 46

  • Laid d'honneur

    john-isaacs_matrix-of-amnesia.jpg Dostoïevski martèle dans son oeuvre : "C'est la beauté qui sauvera le monde", parole d'idiot. Il est en conséquence inquiétant de voir comment le beau fut expulsé, par coups d'état successifs, du domaine où il s'épanouissait le mieux. L'art contemporain est un sans-culotte ; de cette piétaille médiocre qui se revêt des frusques de son pillage, pour jouer au petit marquis en se pavanant comme un coq. Je suis médiocre, sans génie, sans talent, mais je sais habiller tout mon néant des mots les plus prétentieux. Je suis un imposteur ; je ne sais qu'imiter un vague langage pédant et creux ; comme si un perroquet recrachant des lignes de Kant pouvait se prétendre philosophe.

    Et bien voilà : il y a autant entre l'art et les dits artistes contemporains qu'entre le perroquet et la philosophie. Une imposture à l'image de toutes les impostures que proposent ces derniers siècles : impostures économiques, sociales, anthropologiques - tout est imposture, habillage verbal de néant.

    L'homme s'émerveille face au beau, mais est fasciné par le laid (c'est-à-dire, la corruption des formes et des couleurs). Il se fascine devant un cadavre en putréfaction, mais s'émerveille devant les oeuvres de Michel-Ange. Il en a toujours été ; ce qui change, c'est le langage : on appelle à présent beau (quand on ose ce terme) ce qui est laid, et laid  ce qui est beau, comme si le langage savait conférer une essence aux choses. Cela n'est qu'une prétention de créature qui se prend pour le Créateur ; ce n'est que l'expression, au fond, de l'éternel frustration de l'être conscient de sa finitude.

    Il n'y a quasiment plus d'éducation au beau : le beau a été jugé par la bourgeoisie aussi obscène que la morale (incluons dans cette bourgeoisie tous ces bourgeois refoulés qui parlent au nom du peuple). Mais le beau est autant ancré dans les gènes de l'homme que la morale : si l'homme moderne n'a plus les moyens d'exprimer ni le beau, ni la morale, du moins en garde-t-il une intuition au plus profond de lui.

    Comment expliquer les vagues de millions de touristes qui déferlent sur cette vieille Europe ? Viennent-ils pour s'extasier devant les oeuvres du XX° ? En vérité ils viennent pour le parthénon, les cathédrales et la chapelle Sixtine. Quant aux autres millions qui vont aux US, ils y vont pour faire du shopping.

    Si la beauté doit sauver le monde, il n'est dès lors pas étonnant de la voir traquée dans tous les recoins. C'est là assurément la marque de fabrique de la pseudo-modernité et de sa culture de mort.

  • Le bon roi de Prusse

    "Faire la guerre pour le roi de Prusse" est une spécialité bien française, inaugurée par Louis XV, portée jusqu'au paradigme sous Napoléon III, remise au goût du jour par nos deux derniers présidents sémillants.

    On connaît l'objection :

    " Il est très mauvais, votre jeu de mots, très spirituel, mais très injuste (...). Nous ne faisons pas la guerre pour le roi de Prusse, sachez-le bien, mais pour les bons principes."
    (Léon Tolstoï, Guerre et Paix, I,5)

    Ah ! le méchant Courtlaïus ! Comment a-t-il pu négliger ces fameux principes? Mais au nom de quel principe est-on tenu de se couvrir de ridicule ? Nous pensions que c'était là le privilège de BHL seulement.

    (L'ironie de l'histoire voulut que Mme Merkel refusât absolument qu'on la fît, cette guerre.)

  • Le grand Syrte du soleil

    chaplin_cirque.jpg Cette guerre civile en Libye a des aspects bouffons et pantalonnades rarement vus sous d'autres cieux. Cela est sans doute préférable aux tragédies des autres guerres, mais là où la plaisanterie ne fait plus rire, c'est lorsque les Occidentaux parlent d'armer cette légion de clowns. Ceux-là vont au front comme les parisiens en week-end, paradant de toute une quincaillerie dont aucun n'a lu le mode emploi russe, s'égaillant comme des étourneaux à la moindre volée de plomb. Ca rappelerait sans doute aux plus anciens l'armée des résistants de la dernière heure. Et, à tout le moins, cela nous rappelle à nous que seul le feu tue, et non le ridicule.

    On voudrait armer les rebelles qu'on armerait, au mieux, l'armée de Kadhafi. Mais on peut toujours offrir une selle de course à son bourricot - c'est juste jeter son argent par la fenêtre.

    Nos dirigeants sont dans cette humeur : ne craignant pas l'hyperbolisme et l'empathie, ils félicitent les pilotes pour leur admirable courage ; personne ne doute de leur courage, ni qu'ils ne courent aucun risque, mais reposons nous une seconde : lâcher son arme à des dizaines de kms d'objectifs passablement périmés, c'est prendre un risque, comment dire, bien calculé. A peu près le même qu'au tir au pigeon.

  • Morale de guerre

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    Voici quelques "principes élémentaires de propagande de guerre", extrait d'un article de wikipedia, synthétisés par l'historienne belge au fumet d'extrême gauche Anne Morelli, elle même inspirée par feu le travailliste anglais Lord Ponsonby. On jugera, au-delà de l'agenda de l'écrivain, la pertinence de son schéma au regard des derniers conflits : Koweit, Kosovo, Irak, Afghanistan etc. Il ne s'agit pas juger sur le fond de la pertinence d'une expédition militaire - uniquement de la forme. Si cela peut permettre de ne pas être la dupe de nos mass-media et de l'hystérie collective, c'est toujours bon à prendre. Après tout, il pleut aussi bien sur les bons que sur les méchants.






    Principe #1 : Nous ne voulons pas la guerre
    « Arthur Ponsonby avait déjà remarqué que les hommes d'État de tous les pays, avant de déclarer la guerre ou au moment même de cette déclaration, assuraient toujours solennellement en préliminaire qu'ils ne voulaient pas la guerre . »

    Principe #2 : Le camp adverse est le seul responsable de la guerre
    Ce deuxième principe émane du fait que chaque camp assure avoir été contraint de déclarer la guerre pour empêcher l’autre de détruire nos valeurs, mettre en péril nos libertés, ou même nous détruire totalement. C’est donc l’aporie d’une guerre pour mettre fin aux guerres. On en arrive presque à la mythique phrase de George Orwell « War is Peace ».

    Principe #3 : Le chef du camp adverse a le visage du diable (ou « l'affreux de service »)
    « On ne peut haïr un groupe humain dans son ensemble, même présenté comme ennemi. Il est donc plus efficace de concentrer cette haine de l’ennemi sur le leader adverse. L’ennemi aura ainsi un visage et ce visage sera bien évidemment odieux. » 
    Ainsi l’adversaire est qualifié de tous les maux possibles. Il en va de son physique à ses mœurs sexuelles.

    Principe #4 : C'est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers
    Ce principe implique son corollaire, l’ennemi lui est un monstre sanguinaire qui représente le sommet de la barbarie.

    Principe # 5 : L'ennemi provoque sciemment des atrocités
    Si nous commettons des bavures c'est involontairement ; seul l’ennemi commet de telles atrocités, notre armée est une armée « humanitaire ».  On se référera à l'intervention du Kosovo pour les cas d'école.

    Principe #6 : L'ennemi utilise des armes non autorisées
    Saddam et ses ADM, Mouammar et son gaz moutarde etc.

    Principe #7 : Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l'ennemi sont énormes
    La mise en oeuvre de ce principe remonte à la nuit des temps. Probablement caduc dans les démocraties modernes.

    Principe #8 : Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause
    Pas de guerre en France sans BHL ; c'est un principe dans le principe.

    Principe #9 : Notre cause a un caractère sacré
    Cf les grands discours de Sarkozy pour justifier l'intervention (et peut-être est-elle justifiée in fine).

    Principe #10 : Ceux (et celles) qui mettent en doute notre propagande sont des traîtres
    C'est le cas dans les premiers jours/mois d'un conflit, tant que dure l'ivresse de la poudre (à canon). Après la gueule de bois (mon Dieu, qu'ai-je fait ?), les modérés sont plus audibles.

     Ce qui nous amène à un axiome plus général très simple : lorsqu'un pays veut se taper son voisin, il invoquera toujours exclusivement des grands principes universels - le piège par excellence. Un principe universel, par définition, s'applique universellement. Dès lors, il est difficile de justifier une intervention plutôt qu'une autre uniquement sur la base de ces grands principes. Il faut nécessairement avouer des raisons prosaïques. D'où la seconde partie de la proposition : on se justifiera de ne pas intervenir ailleurs par toutes sortes de raisons très prosaïques.

  • Pensées de guerre

    pascal-Folio23-6.jpg- Pourquoi me tuez-vous  ?
    - Et quoi, ne demeurez-vous pas de l'autre côté de l'eau ? Mon ami, si vous demeuriez de ce côté, je serais un assassin, et cela serait injuste de vous tuer de la sorte. Mais puisque vous demeurez de l'autre côté, je suis un brave et cela est juste.

    Pascal, Pensées Fragment Sel. 84 (Liasse Vanité)

     

    En ces temps où l'ivresse de la poudre s'empare des âmes impressionnables, n'oublions pas les premières victimes de tous conflits : la vérité et la réflexion posée.

    La peste soit ces civils "vazenguerre", qui n'ont jamais porté d'armes de leur vie (peut-être un canif quand ils étaient scouts), qui s'enivrent d'une guerre dont aucun ne sentira l'odeur de la charogne humaine.