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Aius Locutius - Page 51

  • La gai savoir II

    Benoît XVI, Saint-Jacques de Compostelle, 06-11-2010 :
    « Il est nécessaire que Dieu recommence à carillonner joyeusement sous le ciel de l'Europe »

    Puisqu'on vous dit et qu'on vous rabâche que le christianisme est un gai savoir ! Si vous n'en êtes pas convaincus : tolle, lege ! Prends et lis ! Ne serait-ce qu'une page, au hasard*.

    Benoît XVI critique les philosophes du XIX° qui ont vu en Dieu un ennemi de l'homme ; il faut pourtant leur concéder que le catholicisme doloriste et austère de l'époque, adepte d'une morale d'obligation suffocante, n'a pas aidé ces philosophes à y voir très clair. Mais d'un fils de pasteur, on est en droit d'attendre un peu plus de discernement.

    Note :
    * Entendu que le hasard n'a aucune réalité ontologique. Expression consacrée.

  • Banalité de l'orthogénie

    Dans le meilleur des mondes, voici qu'on invente l'orthogénie, et le service correspondant dans les hôpitaux. Il y a donc des savants qui jugent de la droiture de vos gènes comme il y avait des théologiens qui vous jugeaient sur la droiture de votre foi. Etant entendu que si vos gènes ne correspondent pas aux dogmes médicaux du moment, vous êtes éxecutés sans possibilité de relapse.

    Extraits d'un article de 20 minutes :

    INTERVIEW - Caroline de Haas, porte-parole de Osez le féminisme, fait le point sur la situation en France, à la veille d'une manifestation nationale...
    - Quel est l’Etat des lieux concernant l’IVG en France?
    La loi en tant que telle est acquise. Le droit est acquis,* mais son application pose problème.**

    - Pourquoi?
    L’acte est trop peu valorisé financièrement. En mars 2010, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot a promis une revalorisation de 50% du montant du forfait, actuellement fixé à 300 euros. Mais, alors que cette revalorisation devait intervenir au 1er juillet 2010, elle n’est toujours pas entrée en vigueur. Du coup, dans un contexte de rentabilité introduit par la réforme de l’hôpital, les services d’orthogénie, déficitaires, ferment les uns après les autres.***

    - Vous êtes inquiète?
    Oui, car de plus en plus de femmes sont en difficulté. En plus, ce sujet n’est pas si facile à aborder. Car on a le sentiment qu’il reste un tabou autour de l’IVG, un fond de culpabilité.**** Or, c’est un événement fréquent dans la vie d’une femme, même avec une contraception. Avec une moyenne de 400 cycles, il est normal qu’il y ait quelques ratés. Or, quand une femme est enceinte et qu’elle ne l’a pas voulu, il est normal qu’elle ait la possibilité de choisir.*****

    Il vous prend d'un coup comme une nausée. Un telle haine féroce de la vie : l'embryon et le foetus sont de simples ratés, une banalité donc. Mais enfin,  tout le travail d'Hanna Arendt est-il donc vain ? Faut-il faire comme s'il n'avait jamais existé ?

    Extraits : Banalité du mal et absence de pensée, in La vie de l’esprit, PUF. Introduction pp.21-23

    "Les actes étaient monstrueux, mais le responsable - tout au moins le responsable hautement efficace qu'on jugeait alors - était tout à fait ordinaire, comme tout le monde, ni démoniaque ni monstrueux. Il n'y avait en lui trace ni de convictions idéologiques solides, ni de motivations spécifiquement malignes, et la seule caractéristique notable qu'on décelait dans sa conduite, passée ou bien manifeste au cours du procès et au long des interrogatoires qui l'avaient précédé, était de nature entièrement négative : ce n'était pas de la stupidité, mais un manque de pensée. Dans le cadre du tribunal israélien et de la procédure carcérale, il se comportait aussi bien qu'il l'avait fait sous le régime nazi mais, en présence de situations où manquait ce genre de routine, il était désemparé, et son langage bourré de clichés produisait à la barre, comme visiblement autrefois, pendant sa carrière officielle, une sorte de comédie macabre. Clichés, phrases toute faites, codes d'expression standardisés et conventionnels ont pour fonction reconnue, socialement, de protéger de la réalité, c'est-à-dire des sollicitations que faits et événements imposent à l'attention, de par leur existence même. On serait vite épuisé à céder sans cesse à ces sollicitations ; la seule différence entre Eichmann et le reste de l'humanité est que, de toute évidence, il les ignorait totalement.

    C'est cette absence de pensée - tellement courante dans la vie de tous les jours où l'on a à peine le temps et pas davantage l'envie, de s'arrêter pour réfléchir - qui éveilla mon intérêt."

    Deux femmes, deux dimensions intellectuelles opposées. L'une visiblement est outillée pour penser, l'autre ne serait sans doute pas ressortie indemne de son tribunal de l'orthogénie.

    Note :
    *  l'IVG n'est pas un droit : c'est une dérogation à la loi. Cf Loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse. TITRE Ier Art. 1er
    ** Avec 200 000 IVG en France par an, il y a en effet un  problème.
    *** Avec la revalorisation du forfait, la rentabilité n'est pas prête de s'améliorer... Mauvais pour le business, toute la filière est en danger.
    **** le vieux fonds judéo-chrétien sans doute...
    ***** Pourquoi la société devrait assumer financièrement sa possibilité de choisir ? A-t-elle le droit de choisir pour un autre (l'enfant à naître), qui lui n'a rien choisi du tout ? A-t-on le droit de compromettre un tiers dans ces choix ?

  • Déjà vu

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    Ceci est une tentative de modèlisation du hold up social :

     

     

     

     

    [PREPARATION]

    1° - S'enrôler sous la bannière d'une juste cause : la liberté (de choisir etc.) constitue dans ce domaine une incontournable martingale.
    - Recruter, au besoin par la force, la modernité et l'amour du prochain.

    2° Présenter la cause maquillée sous le masque larmoyant de l'injustice, brimée par une loi rigide "qui ne prend plus en compte l'évolution de la société".

    [ACTION]

    3° Mettre en scène quelques cas édifiants, censément illustration exemplaire d'une insupportable injustice, et susceptible d'émouvoir le bon peuple.

    => ces deux étapes doivent permettre d'étouffer la dimension raisonnable sous une chappe de pathos. On ne raisonne pas avec l'émotion. Elles permettent en outre d'enrégimenter tous les idiots utiles de service (politiques, intellectuels), faiseurs d'opinions et preneurs de décisions.

    4° Crier son indignation sur tous les modes.

    5° Dans le costume même trop large de l'humanisme, fustiger les forces réactionnaires, rétives à la modernité, sans coeur et sans approche. Glisser deux-trois mots condescendants sur la morale "judéo-chrétienne" de cette vieille civilisation française.

    [REACTION]

    6° Face aux objections raisonnables, adopter la politique des petits pas et la guerre d'usure. Une fissure dans un barrage est à terme aussi efficace qu'un dynamitage pure et simple. Adopter la figure rassurante du discours parsemé des "garde-fous", "encadrement", et autres promesses qui n'engageront que l'autre.

    7° Montrer le visage du négociateur : voyez comme nous sommes ouverts au compromis, tandis que l'autre campe sur sa position extrême, arc-bouté sur des moeurs d'un autre âge.

    [BRECHE]

    8° La viande bien attendrie, faire voter un texte censé border tous les abus, rassurer les âmes inquiètes et anesthésier la conscience des tièdes.

    9° S'empresser de contourner le texte. Créer un maximum de précédents pour établir une pratique coutumière.

    10° Faire d'une dérogation dans la loi un droit.

  • L'avortement est une trahison de la démocratie

    Mise au point de Benoît XVI sur sa conception de la séparation du spirituel et du temporel :

    "Le pape Benoît XVI déclara aux évêques [brésiliens] que si la conduite directe des affaires politiques relèvent de la responsabilité des laïcs, 'lorsque les droits fondamentaux de la personne ou du salut des âmes l'exigent, les pasteurs ont le devoir impérieux de poser des jugements moraux y compris sur l'action politique.'
    'Certaines actions et politiques comme l'avortement et l'euthanasie sont intrinsèquement mauvaises et incompatibles avec la dignité humaine, et ne se peuvent se justifier d'aucune manière', ajouta le Pape."
    (Source Catholic Herald et Zenit)

    Une injustice ne peut se maintenir, comme le mensonge, qu'au prix d'autres injustices, dans une sorte de fuite irrationnelle en avant. C'est une marque de fabrique infaillible. Au bout du compte, ne pouvant se faire passer raisonnablement pour ce qu'elle n'est pas, l'injustice préfère taire et supprimer la voix qui la démasque plutôt que ses causes, dans un élan shadokien : "s'il n'y a pas de solutions, c'est qu'il n'y a pas de problèmes."
    L'avortement est une injustice tellement caricaturale que c'en devient un cas d'école : ainsi récemment ce projet de limiter la clause de conscience des médecins, afin de les contraindre au crime, et ce projet non moins cynique de la Grande-Bretagne de conditionner son aide au développement à la mise en place de politique de planning familiale (périphrase précieuse, qui est évidemment à l'avortement ce que le conseiller des grâces est au miroir).

    Voilà le dernier chantage en date du neo-colonialisme : à ceci près que l'Occident n'a plus que le pire à imposer aux autres pays. Triste déchéance.

  • Message à caractère informatif

    Message pour la journée du migrant et du réfugié :

     "Le vénérable Jean-Paul II, à l’occasion de cette même journée célébrée en 2001, souligna que «[le bien commun universel] englobe toute la famille des peuples, au-dessus de tout égoïsme nationaliste. C'est dans ce contexte qu'il faut considérer le droit à émigrer. L’Eglise reconnaît ce droit à tout homme, sous son double aspect: possibilité de sortir de son pays et possibilité d'entrer dans un autre pays à la recherche de meilleures conditions de vie» (Message pour la Journée mondiale des migrations 2001, n. 3; cf. Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra, n. 30; Paul VI, Enc. Octogesima adveniens, n. 17).

    Dans le même temps, les Etats ont le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières, en garantissant toujours le respect dû à la dignité de chaque personne humaine. En outre, les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale. «Il faudra alors concilier l'accueil qui est dû à tous les êtres humains, spécialement aux indigents, avec l'évaluation des conditions indispensables à une vie digne et pacifique pour les habitants originaires du pays et pour ceux qui viennent les rejoindre» (Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la paix 2001, n. 13)."

    => il y a donc des droits, des devoirs, et un principe de réalité (c'est à dire que les droits du migrant et le devoir de l'Etat ne doivent pas préempter les droits essentiels de la population d'accueil). Donc les droits du migrant ne sont pas absolus mais subordonnés à la fois aux devoirs, et au principe de réalité - contrairement à la dignité qui elle n'est pas négociable. Ces composantes président après un nécessaire discernement à une politique d'immigration et d'accueil, positivée par des lois. Une fois ces lois posées, nul ne peut repocher à un Etat la mise en oeuvre de sa politique, tant que ni ces lois, ni la dignité de l'homme, ne sont bafouées.

      Il est ennuyeux qu'on s'aperçoive, encore maintenant, que le discours du Vatican sur ces questions est toujours le fruit d'un effort de discernement, systématisé autant que possible, et déterminé par des critères qui sont bien connus et précisément définis. C'est un peu dommage donc que certains catholiques en vue et hommes d'Eglise en France se soient précipités dans des déclarations peu éclairées, et surtout très faiblement motivées sur "l'affaire des Roms", sans suivre le même chemin de rigueur (Mgr André Vingt-Trois fut sans doute dans tout ce tintamarre d'indignations convenues le plus prudent, au sens de la morale chrétienne du terme).

    Il ne suffit pas de dire : ceci est immoral, à la sauce indignée de BHL. Il faut expliquer pourquoi précisément, selon des critères positifs et non en brandissant sa bible dans un hémicycle. Cela aurait évité quelques interventions pour le moins malvenues ou simplistes :quoiqu'on en dise, toutes les postures outrées et tranchées qui se sont exprimées dans l'affaire des Roms se retrouvent maintenant en porte-à-faux avec ce message (qui ne donne pas non plus quitus à Sarkozy, puisqu'il s'agit d'un rappel de principes).

    La moralité de cette histoire est qu'on devrait peut-être réinventer le métier de casuiste dans les diocèses. La morale est (aussi) une science.